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« Fast Darkness II: Freeze and Melt » de Chaya Czernowin : le feu sous la glace.

Éclairage Par Alain Billard, le 24/05/2021

Le 28 mai prochain, à la Philharmonie de Paris, Alain Billard sera le soliste de Fast Darkness II: Freeze and Melt de Chaya Czernowin. Il apporte son éclairage sur cette nouvelle œuvre pour clarinette basse et ensemble, quelques jours avant sa création.

« En dépit de l’impossibilité de se voir pour travailler sur cette création, restrictions liées à la pandémie obligent, nous avons échangé à distance avec Chaya Czernowin, ce qui n’était évidemment pas idéal. Mais je connais un peu la compositrice. Ce n’est pas la première fois que nous jouons une de ses créations, ni que nous lui passons commande et je suis familier de sa musique. C’est un univers intéressant, très particulier, extrêmement bien écrit. Le conducteur de la partition est, à cet égard, très éloquent. Les enjeux de la partie soliste de cette nouvelle œuvre pour clarinette basse et ensemble sont variés. Je dois par exemple troquer à mi-chemin ma clarinette basse pour une clarinette, puis revenir à la basse un peu plus loin. Ma partie est aussi truffée de micro-intervalles. Mais ce sont surtout les textures qu’il faut soigner : ce sont des textures très bruitistes, essentiellement produites au moyen de sons soufflés, colorés ou modulé par des attaques ou en chantant dans l’instrument. Le plus souvent, le soliste se mêle aux textures de l’ensemble, dont il émerge de temps à autre, inopinément. Il y aussi deux longs passages durant lequel le soliste ne joue pas. Dans tous les cas, jouer en soliste avec l’Ensemble est toujours très stimulant !

 

L’une des particularités de cette création est son thème, imposé à la commande : la figure mythologique de Prométhée.  Et ce qui est certain, pour moi, c’est que l’œuvre est très sombre et c’est donc surtout la dimension tragique de ce grand mythe qui transparait. Un passage extrêmement violent peut aussi m’évoquer la puissance furieuse du feu. Plus encore, j’ai vraiment le sentiment que cette pièce, et son titre surtout, sont des métaphores de la période que nous sommes encore en train de vivre : une période au cours de laquelle on a l’impression de s’enfoncer avec une rapidité extrême dans l’obscurité (« Fast Darkness »), sans vraiment de perspective d’en sortir à court terme, et une période où le temps semble alternativement se geler et fondre (« Freeze and Melt »), sans prévenir. »

 

Photo © Franck Ferville