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« EIC & Friends » : un nouveau format de concert. Entretien avec Pierre Bleuse, directeur musical.

Entretien Par Jéremie Szpirglas, le 27/10/2023

Sous l’impulsion de Pierre Bleuse, son nouveau directeur musical, l’EIC inaugura un tout nouveau format de concert le 25 novembre à la Cité de la musique : EIC & Friends. Première amie invitée : la violoniste Patricia Kopatchinskaja. Au programme, un passionnant dialogue par-delà les siècles entre Johann Sebastian Bach et des compositeurs et compositrices du XXe siècle à aujourd’hui.

Pierre, pour votre première saison en tant que directeur musical de l’Ensemble intercontemporain, vous inaugurez un nouvel événement aux allures de festival : EIC & Friends. D’où vient cette idée ?
Ce genre de festivals existe depuis bien longtemps : Janine Jansen & Friends, Martha Argerich & Friends… Et le Festival Pablo Casals à Prades, l’un des plus anciens festivals de musique français, était-il autre chose qu’un Pablo Casals & Friends ? J’aime l’esprit d’amitié qui règne dans ce genre de festival. Seulement ici, la star invitante, c’est l’Ensemble intercontemporain (EIC).
Bien entendu, tout cela n’est qu’un prétexte. Le principe de cet événement est pour moi d’avoir un temps et un lieu destinés à l’échange des idées, sur la musique, sur la création, sur la pratique avec d’autres musiciens de haut vol. En confrontant ainsi l’Ensemble à de grandes personnalités du monde musical, l’espoir est de porter un autre regard sur notre métier, d’apporter du sang neuf, un souffle d’air frais.

Pour cette première édition, vous invitez la violoniste Patricia Kopatchinskaja : pourquoi ?
Tout simplement parce que ce n’est pas qu’une violoniste : c’est une artiste qui prend des risques et qui est toujours en quête de sens. C’est aussi une musicienne engagée dans le domaine de la création, qui multiplie les projets avec des compositeurs. Je n’ai encore jamais travaillé avec elle. Nous nous connaissions jusqu’ici d’assez loin. Mais j’avais le sentiment qu’elle serait la personne idéale pour lancer ce nouveau projet. Elle aime créer des univers propices à attirer un large public et c’est là un désir que nous avons en commun.

Comment avez-vous élaboré le programme ?
Tout le monde a contribué – Patricia, moi, et les solistes de l’Ensemble, qui se sont considérablement investis. Nous nous sommes tous réunis autour d’une table et avons imaginé ensemble ces deux concerts. Patricia a été une véritable force de proposition, et cela s’est fait dans un esprit de partage, exactement comme je l’avais espéré. C’est Patricia qui a imaginé ce concept de concerts chambristes, dans le cadre duquel on pourrait aborder le sujet de la guerre, qui a hélas fait son retour autour de nous, pour mieux (et surtout) célébrer la paix.

L’oeuvre de Johann Sebastian Bach, et particulièrement son Offrande musicale, sert de fil rouge aux deux concerts…
En effet, et il y a plusieurs raisons à cela. D’abord et avant tout la place que Bach occupe dans l’histoire de la musique. Ensuite, les dates de l’événement coïncident avec un grand week-end Bach à la Philharmonie de Paris. Après en avoir longuement discuté, j’ai proposé d’organiser toute la programmation autour de son Offrande musicale, une oeuvre absolument hors du commun. Il se trouve en plus que l’un des premiers ensembles dans lesquels j’ai joué s’appelait Quaerendo invenietis, sous-titre du Canon à 4 de l’Offrande musicale… Outre le dialogue entre les compositeurs par-delà les siècles (Webern orchestrant le Ricercar à 6 voix, Crumb citant Bach dans Black Angels), ce thème de l’Offrande musicale est aussi l’occasion de confronter nos solistes à l’oeuvre de Bach, ce qu’ils ne font pas tous les jours, en concert du moins.

Au cours du premier concert, l’Offrande musicale est mise en perspective avec une série de commandes passées spécialement pour l’occasion. Quel en était le cahier des charges ?
Chaque compositrice·eur doit composer une miniature de cinq minutes, dans laquelle elle ou il doit se confronter au thème de la guerre. À eux de décider de quelle manière. Chaque compositrice·eur savait en outre dès la commande quels mouvements de l’Offrande musicale encadreront sa pièce – et peut donc à loisir dialoguer avec eux, mais sans y être obligé·e. Patricia nous a laissé la liberté de choisir les compositrice·eur·s que nous avons sollicité·e·s. J’ai voulu que ce soient des compositrice·eur·s que l’Ensemble ne connaissait pas jusqu’ici, ou n’avait pas encore joué·e. Ce concert se présentera comme un voyage dans ce paysage de créations, voyage qui symbolise aussi notre rencontre avec Patricia.

Quel avenir envisagez-vous pour cet EIC & Friends ?
J’espère d’abord le pérenniser. Avec le temps, j’aimerais l’étendre sur une plus longue période. Ce serait un cadre idéal pour faire revenir d’anciens solistes qui, bien que partis pour mener leurs carrières personnelles, n’ont jamais totalement quitté leur famille de coeur qu’est l’Ensemble intercontemporain.

Photo (de haut en bas) : © David Blondin / DR / © Quentin Chevrier