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Fondue de Metal. Entretien avec Bára Gísladóttir, compositrice.

Entretien Par Suzanne Gervais, le 28/03/2024

Avec Amoeba proteus but make it metal, sa nouvelle œuvre pour ensemble et électronique, Bára Gísladóttir réunit deux de ses passions : la musique Metal et le monde étrange et fascinant des micro-organismes. Une surprenante création de la compositrice et contrebassiste islandaise à découvrir le 26 avril dans le cadre de l’exposition Metal à la Philharmonie de Paris du 4 avril au 29 septembre.

Bára, en quoi le Metal, comme courant musical, vous inspire-t-il?
Je précise : le Metal comme courant musical, comme esthétique mais aussi le matériau métal, les métaux. J’utilise des objets métalliques dans mes compositions depuis toujours, à la fois comme instruments à percussion et comme objets avec lesquels jouer, inventer. Je suis par exemple une grande fan des… dés à coudre en métal ! Ce que je trouve le plus intéressant dans le son des métaux, c’est sa crudité, ses couleurs froides combinées aux effets chatoyants et brillants que ce matériau peut produire. Mais oui, je suis aussi une inconditionnelle de musique métal, comme le death metal. J’ai commencé à craquer pour le heavy metal pendant mes études de master à Copenhague. Un vrai coup de foudre. Il y a quelque chose de profondément intrigant dans ce genre, qui peut être extrêmement expérimental. Je pense que mon amour pour la contrebasse et les sons de basse m’a conduit dans cette voie.

Quelles sont les répercussions de cette passion dans votre musique ?
Le travail du son, sous tous ses aspects, m’intéresse. Du métal, j’aime la saturation, les graves et le travail des basses. Dans mes compositions, j’aime creuser aussi profondément que possible dans tous les coins et recoins que je peux trouver. J’essaie d’aborder chaque thème sous tous les angles possibles. J’aime unir et rassembler des éléments qui, de prime abord, peuvent sembler opposés, contradictoires. La pièce que je compose pour l’Ensemble intercontemporain, qui dure une quinzaine de minutes, est une créature crue, brute, mais riche, qui évolue avec fluidité. Je suis partie de l’idée d’une amibe, ce micro-organisme fascinant composé d’une cellule unique, mais une amibe fantastique faite de métal fondu ! Le métal sert véritablement de noyau à l’œuvre, dans toutes ses acceptions possibles. Plus qu’un ornement, l’électronique servira d’extension au paysage sonore… un peu comme des branches sortant d’un tronc.

Amoebea proteus but make it metal est votre première pièce pour grand ensemble…
Écrire pour grand ensemble est vraiment un univers à part entière, c’est une expérience unique, assez difficile à décrire. Pour nous, compositeurs, c’est un champs d’expérimentation incroyable : les possibilités d’expansions et de combinaisons sonores, de textures et de timbres sont quasiment infinies ! Pour développer une idée musicale cohérente dans un tel processus, je trouve important de rester hyper concentrée sur un élément précis et ses développements potentiels, plutôt que de partir dans trop de directions.

D’où vous vient l’inspiration de cette pièce ?
Amoeba proteus but make it metal est basée sur l’idée de micro-organismes qui prendraient une forme métallique dans les différents états de la matière. Le paysage sonore initial de ma pièce est tissé autour de réflexions sur les phases de transition de ces amibes, qui prennent successivement une forme fluide, liquide et métallique. Plus tard, les différentes formes deviennent plus extrêmes, jouant avec l’idée d’un métal liquide qui devient solide, ou s’évaporant en gaz métalliques. À partir de là, j’ai réfléchi à l’idée de transformer tous ces éléments en plasma. Cela a conduit à une oasis un peu mélancolique au milieu de l’œuvre, avant l’étape finale où tous les éléments sont fusionnés en une unité (ou désunion, si vous préférez). Le tout est agrémenté d’extraits de musique heavy metal, évidemment.

Photos (de haut en bas) : © Anna Maggý / © EIC