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« Vier Lieder aus Kein Licht » de Philippe Manoury.

Éclairage Par Christina Daletska, le 08/12/2022

Le vendredi 9 décembre à la Cité de la musique, Christina Daletska sera la soliste de 4 chants (Vier Lieder) tirés de l’opéra Kein Licht de Philippe Manoury, créé en 2017 à l’Opéra comique. Une œuvre sombre à la résonance toute particulière pour la mezzo-soprano ukrainienne.

Créer les quatre lieder issus du thinkspiel « Kein Licht » en cette fin d’année 2022 revêt un sens tout particulier pour la mezzo-soprano ukrainienne Christina Daletska. « Les magnifiques textes de la romancière et femme de lettre engagée Elfriede Jelinek et de Nietzsche, choisis par Philippe [Manoury] résonnent très intensément aujourd’hui, en période de guerre en Ukraine et de recherche de la lumière disparue… explique-t-elle. A l’aune du conflit, ces poèmes prennent une dimension ironique, effrayante, presque tragique, qui n’était pas présente, bien sûr, lors de la création scénique en 2017. Dans la tradition du lied et de la mélodie, texte et musique sont ici inextricables, d’importance égale, il faut prêter l’oreille aux deux. Ils détiennent en eux une grande sagesse, une grande humanité que nous cherchons, nous, musiciens, à transmettre aux auditeurs. » Entre la mezzo-soprano et Philippe Manoury, le compagnonnage est fécond, depuis dix ans : « Je le surnomme le « Bruckner » de la musique contemporaine, pour la puissance de son écriture orchestrale et sa palette de couleurs. Sa musique est unique, elle porte en elle un universalisme rare et dégage une grande noblesse, une vraie dignité, qui me fait aussi penser au souffle des pages de Beethoven. C’est un privilège de pouvoir créer cette pièce avec les instrumentistes surtout, je le répète, en cette période troublée. » Il y a donc le fond, mais aussi la forme et l’effectif des quatre lieder qui a inspiré Christina Dalestska : « J’aime l’intimité qui se dégage de ce cycle et de la version de concert, plus courte, mais qui n’en est pas moins riche. Vocalement, je vais main dans la main avec les instrumentistes. Cette musique mobilise l’intellect autant que les sens. » Interprète plurielle, Christina Daletska met plus que jamais un point d’honneur à défendre la musique de son temps : « Chanter la musique d’aujourd’hui est absolument essentiel en tant qu’interprète, mais aussi en tant que citoyenne et, même plus, qu’être humain. C’est presque un devoir ! Cette musique nous bouscule, elle reflète notre monde contemporain, l’environnement dans lequel nous vivons et que nous avons parfois du mal à décrypter. »

Propos recueillis par Suzanne Gervais

Photos (de haut en bas) : DR / © Anne-Élise Grosbois