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Par Jupiter !

Éclairage Par Sophie Cherrier, le 17/06/2022

 

Le 23 juin à la Philharmonie de Paris, Sophie Cherrier interprètera Jupiter de Philippe Manoury. Une œuvre pour flûte et électronique en temps réel de 1987, première des quatre pièces du cycle Sonus ex Machina explorant les interactions entre instrument et système de traitement en temps réel.

Évoquer Jupiter de Philippe Manoury, c’est inévitablement penser aux deux personnes qui ont participé à son élaboration. Lawrence Beauregard, d’abord, flûtiste à mes côtés à l’Ensemble intercontemporain et malheureusement parti bien trop tôt : il était en étroite collaboration avec Philippe pour cette fabuleuse première pièce pour flûte en temps réel. Miller Puckette, encore étudiant au MIT, reprendra la collaboration avec Philippe pour finaliser la pièce, créée par Pierre-André Valade en 1987.
Jusque-là, les pièces avec électronique étaient toujours liées au défilement d’une bande magnétique que l’interprète devait suivre, ce qui laissait bien peu de souplesse à l’interprétation. Jupiter est donc une œuvre « révolutionnaire ». L’interprète peut enfin dialoguer avec l’électronique, presque comme avec un partenaire de musique de chambre. D’une certaine manière, l’électronique suit l’interprète, amplifie son jeu et y ajoute des effets.


Dans les années qui ont suivi la création de Jupiter, le système était, disons, assez lourd. Il fallait jouer sur la « flûte midi », une flûte équipée de capteurs sur chaque clef que j’appelais « flûte orthopédique » ! Elle était reliée par un câblage important à une interface qui reconnaissait les notes et transmettait les informations à la machine (4X), très encombrante. Il y avait aussi un écran qui indiquait l’événement déclenché à chaque instant, et l’interprète devait, si nécessaire, actionner une pédale pour resynchroniser.
On n’était jamais à l’abri d’une panne. Lors d’un concert à Berlin, un capteur s’est légèrement décalé alors que j’étais déjà sur scène. Impossible de démarrer : il a fallu tout revérifier, sous les yeux du public, avant de pouvoir commencer… assez stressant !
Aujourd’hui, il est possible de jouer Jupiter sur son propre instrument. Un simple ordinateur détecte les hauteurs jouées et déclenche les événements et effets écrits par Philippe Manoury (photo ci-dessus). Plus de câble, plus d’écran et un véritable dialogue… que du bonheur !

 

Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

Photos © EIC