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Dans un souffle de lumière…

Éclairage Par Matthias Pintscher, le 02/06/2023

Le concert du 9 juin à la Cité de la musique sera mon dernier en tant que directeur musical de l’Ensemble intercontemporain. Un événement émouvant, donc, lequel, je crois, arrive au moment idéal : nous nous quittons au sommet de notre relation artistique ! L’Ensemble est dans la meilleure forme possible et nous nous entendons comme au premier jour. En réalité, c’est d’ailleurs plus une transition qu’un adieu car dans les saisons à venir, nous nous retrouverons pour de nouvelles productions.

J’ai voulu que ce concert symbolise en quelque sorte cette transition. D’où les Quatre chants pour franchir le seuil (photo ci-dessous) de Gérard Grisey : une œuvre puissante et poignante sur la fragilité humaine. Comme son titre l’indique, c’est une œuvre de transition — pour Grisey lui-même, ce fut même sa dernière. C’est aussi une pièce qui soulève beaucoup de questions sans forcément y apporter de réponse. Et c’est de la musique française, ce qui me permet de dire au revoir à cette culture qui est ma culture de cœur et de choix.

D’autre part, je ne pouvais quitter l’EIC sans faire référence à ses racines — des racines qui, au-delà de Pierre Boulez, remontent à la Seconde École de Vienne. En l’occurrence, il y a peu d’œuvres que l’Ensemble et moi-même interprétons avec autant de conviction que les Cinq pièces pour orchestre opus 10 d’Anton Webern.

Ensuite, nous avons absolument voulu une œuvre qui témoigne de notre partenariat de toujours avec l’Ircam — d’autant plus que ce concert s’inscrit dans le cadre du Festival ManiFeste. En l’occurrence, nous avons pensé au lumineux Lichtbogen  d’une grande compositrice, une véritable pionnière, Kaija Saariaho qui nous a malheureusement quittés bien trop tôt et dont je salue la mémoire. Lichtbogen est une œuvre de jeunesse, superbe, très ouverte, voire malléable, qui laisse de la place aux interprètes comme au public. Je la dirige avec différents orchestres et ensembles depuis 25 ans, et elle prend chaque fois un nouveau visage.

 

Enfin, étant toujours curieux des nouvelles propositions venant des compositeurs, nous avons évidemment désiré une création pour ce concert. En l’occurrence, Dasein 1, une commande passée à mon ami et frère spirituel, Mark Andre. Il a souhaité me la destiner personnellement : il m’a invité en studio à l’Ircam, et a enregistré ma voix récitant une prière en hébreu — puis il a utilisé cet enregistrement comme matériau pour l’électronique de sa pièce. Je fais donc moi-même partie de ce cadeau personnel qu’il me fait.
Ce que j’aime dans chacune de ces œuvres au programme, c’est leur ouverture à nos propres pensées et sensations. Elles les accueillent et en retour nous les nourrissons de tout ce qui nous constitue comme êtres humains.

Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

Photos (de haut en bas) : © Amandine Lauriol / © EIC