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Le « Concerto pour violoncelle » de György Ligeti.

Éclairage Par Renaud Déjardin, le 02/01/2023


L
e 15 janvier dans l’écrin de l’auditorium du Parco della Musica à Rome, Renaud Déjardin sera, pour la première fois, le soliste du Concerto pour violoncelle de György Ligeti dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance. Le violoncelliste partage avec nous ses premières impressions d’une œuvre atypique à plus d’un titre.

 

Beaucoup d’idées reçues circulent sur ce Concerto pour violoncelle de György Ligeti : ce serait un « non concerto », « antiromantique ». Ce sont selon moi des idées fausses : j’y trouve par exemple des traces d’atmosphères romantiques — Ligeti choisit de commencer sur la même note que les Concertos de Schumann ou Saint-Saëns, la partition est ponctuée d’indications « espressivo » —, et le dialogue concertant est bien là. Certes l’écriture en est micropolyphonique, et le violoncelle solo est effectivement mêlé de manière étroite à la masse des cordes. Mais c’est quand même lui qui initie ou conclue les « phrases » musicales. Le solo ne tient pas une mélodie accompagnée, comme dans un concerto « traditionnel », mais l’orchestre (ou l’ensemble) amplifie ses gestes : parfois, en les reprenant — le solo finissant alors par être submergé pour s’intégrer au nuage harmonique globale — ou, à l’inverse, en laissant le violoncelle sortir du lot pour les conclure. À l’oreille, on ne perçoit pas nécessairement l’instrument comme soliste — c’est plus un son qui se développe. Mais, sur scène, le violoncelle solo tient les 40 premières secondes et lance chaque nouvelle note. Et puis, bien sûr, il a droit à sa cadence !

Répétition du Concerto pour violoncelle de György Ligeti sous la direction de Pierre Bleuse, à la Philharmonie de Paris.

Pour moi qui l’interprèterai pour la première fois, la tâche est titanesque — cela explique peut-être que, alors que l’œuvre a plus de 60 ans, elle est encore assez peu jouée. L’enjeu est moins d’en offrir une lecture ou un point de vue stylistique — l’écriture est si précise qu’on a peu d’opportunités de se distinguer des autres — que de parvenir à respecter le moindre détail, à atteindre les extrêmes que Ligeti demande dans la partition, notamment dans les nuances piano. C’est une des seules œuvres où l’on peut explorer les confins du silence : on part de rien — j’entre sur une note tenue qui doit émerger très lentement du silence pour atteindre la nuance la plus douce possible — pour revenir au rien.

Photos © Anne-Élise Grosbois