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« DoppelKonzert » d’Unsuk Chin.

Éclairage Par Samuel Favre, le 30/01/2023

Le 7 février à la Maison de la Radio, Samuel Favre sera l’un des deux solistes du Double concerto pour piano et percussion de la compositrice sud-coréenne Unsuk Chin. Une œuvre aussi inventive que redoutable de virtuosité que le percussionniste connaît bien pour en avoir donné la création il y a déjà vingt ans.

Nous fêtons cette année les 20 ans de la création du DoppelKonzert ! Je me souviens très bien de cette création : c’était la première fois de ma vie que je collaborais aussi étroitement avec un compositeur ou une compositrice sur une pièce de cette envergure. C’était aussi la première fois de ma vie que je jouais un concerto — même si, en l’espèce, c’est un double concerto.

Comme je m’y attendais, j’ai reçu les pages de la partition au fur et à mesure de sa composition — d’abord sous forme manuscrite, puis éditée par ordinateur. J’ai également eu des discussions avec Unsuk Chin, qui se posait des questions, notamment au sujet des possibilités du dispositif qu’elle avait imaginé. Car Unsuk Chin aime le concept de préparation des instruments et, de même que le pianiste (Dimitri Vassilakis, pour la création comme pour la reprise cette année) joue sur un piano préparé — avec de petits taquets en métal qui créent un son légèrement assourdi et métallique dans le médium et percussif dans le grave —, mes parties de vibraphone et de marimba, indiquent que certaines notes doivent être jouées sur des cloches à vache ! D’où les doutes d’Unsuk quant à la jouabilité de certains passages virtuoses, et sur la manière dont ils allaient sonner.

Au cours de la pièce, je me déplace d’un instrument à l’autre : du vibraphone au marimba, puis au xylophone, avant de revenir au vibraphone. Ces instruments génèrent chacun une ambiance sonore différente. C’est d’ailleurs ce travail de mélange des timbres qui a intéressé Unsuk Chin. Ce DoppelKonzert (photo ci-dessous) n’est d’ailleurs pas une pièce concertante au sens où les solistes auraient nécessairement plus de choses à dire que l’ensemble : ils ont certes un rôle prépondérant, mais ils n’ont par exemple pas de cadence. Solistes et ensemble sont complémentaires, et les solistes sont le noyau de la sonorité globale.



Je me souviens que, en préparant la création, j’avais le sentiment d’une extrême difficulté — accentuée encore par le fait que le concert était enregistré, et que l’enregistrement deviendrait un disque. Aujourd’hui, je navigue en terrain connu, je peux prendre plus de temps pour écouter les autres. Le défi a laissé place au plaisir. Même si, comme me l’a confié Pierre Boulez qui était venu écouter une exécution : « Ce qui est bien et que j’apprécie, c’est que c’est très vivace. »


Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

Photos (de haut en bas) : © Franck Ferville / © EIC