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Rituels

Éclairage Par Pierre Bleuse, le 02/10/2021

Le chef d’orchestre Pierre Bleuse livre son éclairage sur les œuvres du compositeur écossais James Dillon et de la compositrice australienne Liza Lim, au programme du concert Rituels du 6 octobre à la Cité de la musique.

Ce que je trouve passionnant dans ce programme, et notamment dans les deux pièces que je dirige, Pharmakeia de James Dillon et Veil de Liza Lim, c’est qu’il nous fait basculer entre deux univers radicalement différents : le contraste entre les deux esthétiques est saisissant.
Pharmakeia (photo ci-dessous)nous plonge d’une certaine manière dans un espace où l’écoulement du temps semble directement lié à la matière sonore et à ses magnifiques textures, comme si l’on pénétrait l’espace à l’intérieur du son. Et le long voyage que Dillon nous y propose laisse au musicien comme à l’auditeur tout le loisir de se familiariser avec son langage — parfois la brièveté d’une œuvre musicale ne laisse que peu de temps pour en pénétrer l’esthétique ; ici, c’est le contraire.
L’œuvre est très orchestrale dans son écriture. Elle alterne les passages très verticaux, avec d’impressionnantes homorythmies, et d’autres, que j’apprécie particulièrement, où l’ensemble vient entourer et colorer les phrases étirées d’un instrument soliste, d’un duo ou d’un trio, comme pour les mettre en lumière. La partition exige de l’ensemble et de moi-même une attention particulière aux sons et à l’élaboration des textures — auxquelles les deux orgues électroniques, notamment, apportent une couleur remarquable.


Le contraste est donc complet avec l’univers de Liza Lim : Veil, d’abord, est une œuvre d’essence chambriste, et beaucoup plus horizontale dans son développement. Elle exige beaucoup des musiciens, qui doivent s’échanger de longues lignes mélodiques, ainsi que des matières sonores faites d’harmoniques ou de sons appuyés ou écrasés. La pensée de Liza Lim y est très épurée : l’impression générale est celle d’une musique chuchotée, quasi aride, d’où surgissent par instants des fulgurances d’une finesse remarquable.

Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

Photo © Marina Pierrot Detry