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Avant-gardes américaines.

Éclairage Par John Stulz, le 28/10/2021

Le 6 novembre à la Philharmonie de Paris, les solistes de l’Ensemble intercontemporain retrouveront ceux de l’Orchestre de Paris pour le concert Mécanique des cordes avec, au programme, cinq pionniers des musiques de création aux États-Unis. John Stulz, altiste à l’EIC, livre son éclairage sur ce programme original qu’il a en outre lui-même conçu.  

Le meilleur conseil que j’aie jamais entendu pour un artiste américain vient du sculpteur Donald Judd. Il tient en deux mots simples, directs et vrais : « Forget Europe ! » (Oublier l’Europe !) Cette formule, qui exprime le noyau de l’identité culturelle américain, représente peut-être la seule et unique règle à suivre pour les artistes outre-Atlantique.
Et les meilleurs compositeurs américains la suivent. Ils oublient l’Europe et s’engagent sur leurs propres chemins sans jeter un regard en arrière — come hell or high water, comme on dit (ce qu’on pourrait traduire par : qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente).
Conlon Nancarrow et ses contrepoints chaotiques, Harry Partch et son système d’intonation, conçu pour les instruments qu’il invente lui-même, Morton Feldman et son refus total du rationalisme, Ruth Crawford et ses harmonies dissonantes, Henry Cowell et son œuvre ouverte, vingt ans avant que l’avant-garde musicale européenne ne « découvre » à son tour le concept d’aléatoire.

Au programme de ce concert, on entendra une musique étrange, rude, chaotique, sublime et naïve — une musique tout à la fois simple, directe et vraie. Une musique pour se libérer du poids de l’histoire musicale européenne.

Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

 

Photo © Franck Ferville