Afficher le menu

Stefano Gervasoni : « Eufaunique ».

Éclairage Par Stefano Gervasoni, le 27/08/2020

 

Le titre, Eufaunique est basé sur un jeu de mots, qui mêle « faune » et « euphonique ». Une première version de la pièce s’inscrivait dans le projet Genesis. Initié par l’EIC pour ses quarante ans, Genesis se présentait comme un cycle de sept pièces, de sept compositeurs différents, chacune s’attachant à une des journées de la Création biblique. Bien que dénué de toute prétention programmatique, Eufaunique évoquait le sixième jour de la création : Dieu sépare les êtres humains des animaux, qui vivent en harmonie. Cette cohabitation joyeuse se retrouve dans la proximité sonore entre « euphonique » et « euphorique ». Mais ce geste de séparation garde une sorte de « nostalgie » de la fusion originelle, qui n’est jamais oubliée. Dans sa version étendue, la première moitié de la pièce reprend exactement la partition créée dans le cadre de Genesis : une musique dynamique, euphorique et joyeuse, qui fait la part belle aux couleurs, aux figures rapides et fugitives, aux situations sonores denses, profondes et pleines de vie, une généreuse effervescence sans aucune suprématie de l’homme sur les animaux. À ce Presto, j’ai ajouté une seconde partie, un Largo desolato, durant laquelle l’homme devient chasseur (d’où la présence d’un instrument obligé : le hautbois, anciennement oboe da caccia, hautbois de chasse). L’homme traque l’animal pour s’en emparer à l’aide de divers outils et armes. Les animaux deviennent sa nourriture, ils ne partagent plus les mêmes conditions de vie, l’équilibre est rompu. Les prémices de ce paradis perdu, qui se transformera en un véritable gâchis (extinctions animales, chute de la biodiversité…), se trouvent déjà dans la première partie (les coups orchestrés de percussion, les solos du hautbois qui divise et unifie les groupes instrumentaux) et sont amplifiées dans la seconde, l’écriture instrumentale se concentrant de plus en plus sur la description de cet environnement en voie de disparition ainsi que sur le dynamisme des êtres qui continuent d’y agir dans une sorte de relation d’indifférence.

Jeudi 3 septembre, 20h30 à la Philharmonie de Paris dans le cadre du festival ManiFeste de l’Ircam.