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Portrait ManiFeste 5/6. Ricardo Eizirik. Composer avec les rebuts du monde…

Entretien Par Jéremie Szpirglas, le 30/06/2016

Eizirik

Organisé par l’Ircam, l’Académie du festival ManiFeste offre chaque année à de jeunes compositeurs venus du monde entier l’opportunité de travailler avec l’Ensemble intercontemporain, ensemble associé de l’Académie.

Jusqu’au 1er juillet, date des concerts de sortie d’atelier, nous vous proposons d’aller à la rencontre de six d’entre eux, qui participent soit à l’atelier de composition pour ensemble dirigé, soit à celui de composition de musique de chambre, placés respectivement sous la direction des compositeurs Philippe Leroux et Rebecca Saunders. A la veille du concert nous découvrons l’univers de création polymorphe de Ricardo Eizirik (atelier de composition de musique pour ensemble), jeune compositeur brésilien et suédois, ce qui explique peut-être le caractère contrasté de ses activités…

Ricardo, l’œuvre sur laquelle vous travaillez pour cet atelier avec l’Ensemble intercontemporain s’intitule Junkyard Piece Ib : pourquoi ce titre et quel en est le projet ?

Les titres de mes œuvres ont souvent un rapport direct avec le monde contemporain et notre modernité (et ce qu’elle rejette). C’est aussi ce sur quoi je veux composer. En tant que compositeur, j’aime à amplifier les frictions entre les événements triviaux du quotidien et leur représentation artificielle en situation de concert. Ainsi Junkyard Piece Ib est-elle la première d’une série de pièces qui traitent des processus et formes automatisés de notre vie quotidienne et de la « collision » entre instruments classiques et les rebuts (ou objets trouvés), ou bien encore entre musique et bruit du quotidien.

JunkyardJunkyard Piece II

Vous semblez nourrir un intérêt tout particulier pour les objets trouvés. Pourquoi cela ?

Ils sont pour moi une réponse à des besoins à la fois sonores et visuels.

La dimension visuelle, théâtrale, est justement très importante pour vous et vous travaillez souvent en collaboration, dans le cadre de projets transdisciplinaires. Comment abordez-vous cet exercice particulier ?

J’aborde tous mes travaux de la même manière… J’ai une idée (habituellement liée à un aspect de ma vie, quotidienne/biographique/sociale) que je me mets à interroger. Que veut-elle devenir ? Comment pourrait-elle sonner ? À quoi ressemblerait-elle ? Les réponses à ces premières questions déterminent normalement les décisions à suivre.
Après cela, il m’est difficile de parler de mes méthodes de travail… C’est comme si j’essayais de décrire un processus non encore terminé, au milieu du gué.

Eiziric Installation

D’où vous vient ce goût pour les projets transdisciplinaires ?

Lorsque je considère mon parcours, je me rends compte qu’il n’est pas des plus cohérents ou linéaires. D’abord, mes origines sont dans le rock et dans des groupes de rock au sein desquels je jouais enfant et adolescent. Les premiers chocs musicaux qui m’ont profondément marqué sont donc liés à des groupes et des artistes tels que The Beatles, Talking Heads, Pixies, David Bowie, Sonic Youth ou à la découverte du rap. Par une série d’heureux hasards, j’ai toutefois eu un petit aperçu de la musique classique du XXe siècle au cours de mon adolescence, et particulièrement les Quatuors à cordes de Bartók, les premières expériences électroacoustiques de Stockhausen et de nombreuses pièces de Ligeti.
À l’université, j’ai entamé des études de biologie pour me réorienter ensuite vers la musique alors que je vivais encore au Brésil. Puis j’ai déménagé en Europe sans réellement savoir à quoi m’attendre. C’est là que j’ai découvert de nombreuses œuvres visuelles (installation, vidéo, sculpture) et des œuvres musicales qui, d’une manière ou d’une autre, avaient trait au visuel. Je me suis alors trouvé plongé dans des études transdisciplinaires. Enfin, après avoir achevé mes études de composition, j’ai accordé une attention toute particulière aux installations artistiques.