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Entretien avec Hugues Dufourt

Entretien Par Christian Leble, le 28/10/2013


Le compositeur, philosophe et musicologue Hugues Dufourt s’est souvent inspiré de chefs-d’œuvre de l’histoire de la peinture pour ses créations. Le programme du concert du 8 novembre 2013 l’illustre bien avec trois œuvres ayant pour point de départ trois tableaux : L’Origine du monde de Courbet,  Les chardons de Van Gogh et l’Allégorie des planètes et des continents de Tiepolo. Dans cet entretien vidéo Hugues Dufourt examine cette source d’inspiration toujours féconde et sa relation avec la recherche musicale qu’il mène depuis ses débuts.
 

 
Le point de vue de Grégoire Simon,altiste, sur Les chardons d’après Van Gogh d’Hugues Dufourt

Grégoire Simon, qu’est-ce qui se cache derrière ce titre, Les chardons d’après Van Gogh d’Hugues Dufourt ?
Tout d’abord, Van Gogh a peint plusieurs toiles représentant des chardons, dont deux sont assez connues : l’une, Deux chardons, en extérieur, dans les tons jaunes, et l’autre qui représente des chardons « en fin de vie », dans un vase et une atmosphère bleutée. Ce sont des peintures crues et âpres. Comme dit Hugues Dufourt, nous ne sommes plus ici « dans la capture de l’instant fugitif », un impressionnisme qui palpe le moment — un impressionnisme dont, au reste, Van Gogh s’éloigne à ce moment —, mais plutôt dans une peinture qui « ne se soucie plus que de l’énergie de l’image ». Quand Dufourt parle de cette œuvre, il emprunte son vocabulaire à la sculpture : masse et travail de masse, profondeur, formes spiralées, volutes, arabesque… Et cet aspect massif se retrouve avec force dans la partition.

Comment Dufourt traite-t-il l’écriture de l’alto et le dialogue concertant ?
C’est une pièce très virtuose. L’alto y est souvent perché dans l’aigu — on pourrait quasiment la jouer au violon. Cela dit, le choix de l’alto, plutôt que du violon, impose à l’interprète un défi qui crée une plus grande dynamique. Dufourt m’a dit avoir éprouvé quelques difficultés à écrire pour mon instrument, et la partie d’alto en elle-même est d’une facture plutôt classique.
Quant au dialogue concertant, c’est une grande bataille entre le soliste et l’orchestre. Les violons, puis les cordes toutes ensemble, reprennent les motifs de l’alto en décalé, en plus resserré ou, à l’inverse, en plus dilué. À mesure que l’œuvre se déploie, la masse s’étoffe, à grands coups de cuivres et d’arpèges de bois, jusqu’à une quasi-saturation. L’œuvre se referme sur une forme de détente, plus calme et plus douce.
Nous sommes indubitablement en présence de chardons, et non de tournesols : cette pièce a quelque chose de piquant, et la partition ressemble un peu à un sac de ronces !