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L’armonica de verre.

Éclairage By Friedrich Heinrich Kern, le 11/03/2020

C’est un instrument unique en son genre, aux sonorités cristallines que jouera Friedrich Heinrich Kern le 13 mars à la Cité de la musique, pour le concert « Cabinet de curiosités ». Présentation de l’armonica de verre et de son répertoire, rare, d’hier à aujourd’hui.

L’armonica de verre a été inventé en 1761 par Benjamin Franklin : il se présente sous la forme de bols de verre empilés sur un axe rotatif horizontal. L’instrument que je joue n’est toutefois pas exactement celui-là : mis au point dans les années 1980, il est vertical au lieu d’être horizontal et ce ne sont pas des bols, mais des tubes de verre verticaux. Le son est produit en touchant ces tubes, la hauteur de la note étant déterminée par leur taille. La différence entre les deux instruments est un peu la même qu’entre les instruments baroques et les instruments modernes. C’est un autre mode de toucher. L’émission et le contrôle du son sont un peu améliorés, surtout s’agissant des nuances, sur lesquelles on peut jouer en dosant le poids du doigt sur les tubes. Le répertoire d’armonica de verre est assez restreint, mais nous avons la chance d’avoir ce chef-d’œuvre qu’est l’Adagio et rondo K.617, œuvre tardive de Mozart composée spécialement pour Marianne Kirchgäßner, qui, bien qu’aveugle, en était une virtuose. Il est très vraisemblable que Mozart avait à sa disposition un armonica de verre, ce qui lui a permis de parfaitement adapter son écriture. Elle couvre tout l’ambitus et utilise l’instrument de manière très intelligente, avec des passages où il peut briller et d’autres où il se fait plus discret, pour accompagner le reste du quintette (flûte, hautbois, alto et violoncelle).

Après avoir été un peu délaissé, l’armonica de verre intéresse de plus en plus de compositeurs d’aujourd’hui, tels George Benjamin qui y fait appel dans son opéra Written on Skin. Composant moi-même pour mon instrument, je sais combien il peut être gratifiant : le contrôle du son est très fin et le timbre est assez mystérieux, versatile. On peut aussi imaginer plein de techniques de jeu étendues. Je crée de plus en plus de pièces. Dans INFANS, la pièce que je créerai avec les solistes de l’EIC à la Philharmonie de Paris le 13 mars prochain, Hristina Susak utilise l’armonica de verre de manière assez classique, mais avec une grande sensibilité. Elle en a saisi les singularités et a beaucoup recours aux variations dynamiques ainsi qu’à l’« after touch », pour jouer sur la résonance…

 

Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

Photos © Grace Browning