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Le « Concerto pour violon » de György Ligeti.

Éclairage Par Jeanne-Marie Conquer, le 22/08/2023

 Créé en deux temps, en 1990 pour les trois premiers mouvements auxquels s’ajouteront les deux derniers mouvements en 1992, le Concerto pour violon et orchestre de György Ligeti est sans aucun doute l’un des grands chefs-d’œuvre du compositeur, dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance. Ce concerto très contrasté  sera joué par Jeanne-Marie Conquer au cours d’une tournée qui emmènera l’ Ensemble jusqu’en Roumanie tout début septembre. La violoniste revient sur sa découverte d’une œuvre dont l’exécution demande un « un entraînement quasi athlétique ».  

Je me souviens parfaitement la première fois que j’ai joué le Concerto pour violon de György Ligeti. C’était la création française, sous la direction de Pierre Boulez, à l’Opéra de Lyon, et le soliste n’était autre que le commanditaire, dédicataire et créateur de l’œuvre : Saschko Gawriloff. J’étais dans l’orchestre, mais ma partie n’était pas des plus faciles non plus, surtout parce que cette partie de violon (l’une des cinq de l’orchestre) est écrit avec une scordatura (c’est-à-dire que le violon est désaccordé d’une manière bien particulière). Les parties en scordatura ne sont pas rares, mais on les trouve surtout dans le répertoire baroque ! Je n’avais pas du tout l’habitude d’en lire dans un langage contemporain et il a donc fallu que je réécrive toute la partition.
C’est ainsi que j’ai découvert ce concerto : de l’intérieur de l’ensemble, et cela pendant plusieurs années, car Gawriloff avait négocié une exclusivité. Depuis lors, j’ai joué la partie soliste à plusieurs reprises, notamment pour les 80 ans de György Ligeti, puis pour l’enregistrement que nous en avons fait avec Matthias Pintscher.


Je n’ai pas eu la chance de travailler la partition avec Ligeti lui-même — il était déjà trop malade. Mais, en compagnie de mes collègues Jean-Christophe Vervoitte et Michael Wendeberg, nous avions passé une journée avec lui autour de son Trio avec cor, et cette rencontre inoubliable m’inspire encore jusque dans le Concerto pour violon. C’est un concerto long, qui nécessite un entraînement quasi athlétique pour tenir pendant la trentaine de minutes qu’il dure, en déployant une palette très vaste de différentes techniques, jusque dans le suraigu de l’instrument.

Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

Photos : © Franck Ferville / © EIC