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« Flouz » au Théâtre du Châtelet.

Éclairage Par Shani Diluka, le 23/08/2023

Imaginé et porté par le metteur en scène Olivier Fredj, Flouz est le deuxième volet du triptyque de Paradox Palace mené avec des personnes détenues et en partenariat avec les structures piliers de notre société : la prison, l’hôpital, l’école, l’hébergement d’urgence, l’EPHAD et le théâtre. Un spectacle  présenté au Théâtre du Châtelet du 8 au 10 septembre, sur le thème de l’argent dans la société contemporaine au vaste programme musical conçu par la pianiste  Shani Diluka.  

« La musique que j’ai sélectionnée reflète celle qui rythme le monde, scande les feux follets urbains que les hommes ont créés, une sorte de métronome organique qui nous rappelle le rapport aliénant du temps à l’argent. Une pulsation du monde également : imaginer le rythme de l’Univers, danser avec soi et entrer en hypnose avec l’infini. Les plus grandes figures du minimalisme structurent le récit et les corps, de Steve Reich à Philip Glass, de Moondog à John Adams. L’œuvre totale se construit ainsi, autour de ces valeurs au sein d’un dispositif théâtre-musique-électro, sonorités contemporaines, à l’écoute de l’Homme et de ses contradictions.
Comme celles de Moondog, appelé aussi « Clochard céleste » qui mélange savamment les canons de la musique baroque aux pulsations tribales des danses amérindiennes, pont hypnotique entre le savant et le populaire. En effet, l’avant-garde américaine des minimalistes a pour écho la musique électro d’aujourd’hui dans cette répétition hypnotique jusqu’à la transe, dimension apportée par le talentueux DJ et producteur Matias Aguayo. En résulte l’élévation des esprits et des corps. Les musiques et les prises de son de la prison permettent un dialogue avec la réalité ; les textes écrits par les participants et les détenus effacent le temps d’un concert les barreaux de la prison.
Ces témoignages reflètent une certaine fragilité, de la vulnérabilité, des parcours de vie cabossés qui peuvent résonner en chacun de nous. Les tourments de l’existence humaine deviennent mantras, au rythme des musiques de Cage, Glass ou John Adams… des émanations de liberté et de consolation avec le « Tout ». La rencontre avec les détenus, leurs textes et leurs sentiments répondent donc à ces partitions. Les enjeux et thématiques sont partagés et permettent ainsi une profonde réflexion sur la société par le prisme de la musique.
La collaboration avec l’Ensemble intercontemporain s’annonce passionnante car ses musiciens d’exception sont depuis toujours à l’écoute de leur temps. La musique minimaliste nous réunit aux sons d’un Ensemble intercontemporain épuré, avec des transcriptions inédites et des solos de piano qui permettent de dilater ce temps cousu par le consumérisme et que nous allons exploser comme des chandelles. Le feu sacré de chaque destin se mêle aux turbulences contemporaines, caressé par le murmure incessant des minimalistes qui nous rappellent tels des chamanes à notre fonction première : la relation à la Nature, à l’Autre et à l’Univers. Une fête libératrice, cathartique pour tout le monde : détenus, musiciens, comédiens et publics »

Propos recueillis par Timothée Chaine – Théâtre du Châtelet

Photo © Sandrine Expilly