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« Ouvrir mon horizon ». Entretien avec Nicolo Foron, chef assistant.

Entretien Par Jéremie Szpirglas, le 22/09/2022

Chef assistant auprès de Matthias Pintscher depuis le début de l’année, le chef d’orchestre, pianiste et compositeur Nicolo Foron partage avec nous ses premières impressions sur cette expérience au sein de l’Ensemble intercontemporain.


Nicolo, vous êtes aujourd’hui chef assistant auprès de Matthias Pintscher : d’autres chefs avant lui ont-ils eu un impact sur votre vision du métier aujourd’hui ?
J’ai eu le grand plaisir d’être présenté très tôt dans ma vie à Peter Eötvös. Peter a été pour moi une grande source d’inspiration et m’a encouragé à poursuivre la direction de la musique contemporaine, et à approfondir l’étude détaillée des structures musicales et des couleurs que portent ces partitions. J’ai aussi un grand souvenir de Lorin Maazel, dont j’ai été l’assistant l’année avant sa mort. C’est lui qui, le premier, m’a poussé à me dédier pleinement à la direction : je partageais alors mon temps entre mes carrières de pianiste et de chef, mais, lorsque Maazel m’a parlé, lorsque je l’ai vu à l’œuvre, je me suis rendu compte que mon futur serait la direction d’orchestre.

D’où vous vient votre goût pour la musique contemporaine ?
Mon grand-père était directeur de théâtre et tous les membres de ma famille sont musiciens. Mon père a toujours joué beaucoup de musique contemporaine, je n’ai donc jamais considéré cette musique comme différente du reste du répertoire. Je lui en suis très reconnaissant. La musique contemporaine a, en réalité, un grand avantage : celui de pouvoir refléter en temps réel les événements, bouleversements sociaux et débats politiques de notre monde. Cela, bien sûr, parce que le compositeur est toujours vivant, et c’est là une des raisons pour lesquelles j’aime tant la musique contemporaine : elle vit !

Pourquoi avoir postulé à ce poste de chef assistant à l’EIC ?
J’ai toujours été un grand fan de l’EIC et de Matthias, et j’adore le travail qu’ils produisent ensemble. J’ai toujours été passionné par la musique d’aujourd’hui et, étant moi-même compositeur, j’ai déjà dirigé plus d’une centaine de créations. Me présenter à ce poste était donc une étape logique dans mon parcours et travailler à l’Ensemble est un rêve devenu réalité.

Qu’en attendiez-vous particulièrement au départ ?
Mes attentes concernaient surtout ma propre capacité à être à la hauteur, puisque j’aspirais à intégrer pleinement l’équipe et à travailler dur pour l’Ensemble. Après quelques mois, j’ai le sentiment de faire partie de la « famille », et je suis heureux de constater que tout le monde a l’air d’apprécier mon travail. Je savais que travailler à un tel niveau serait un défi, et je suis reconnaissant d’avoir pu tant apprendre et tant grandir au cours de ces six derniers mois.

Justement, au cours cette période, quels projets vous restent plus particulièrement en tête ?
Le projet le plus intéressant pour moi fut celui autour de Xenakis. D’abord parce qu’on m’a donné de grandes responsabilités, mais aussi parce que cette musique est extrêmement complexe, ce que j’apprécie beaucoup. Je me souviens de la préparation intense et approfondie de Nomos Gamma et Terretektorh, et ce fut un plaisir absolu de travailler avec Matthias, auprès de qui j’apprends toujours beaucoup. Je trouve aussi que ses choix de répertoire, pour ce concert en particulier, étaient très osés et réfléchis. C’est un concert auquel je pense encore aujourd’hui.

Vous êtes également compositeur : comment ce poste d’assistant a-t-il nourri votre métier de compositeur ?
Je suis très inspiré par l’inventivité déployée par les solistes de l’Ensemble que j’admire énormément. Chaque fois que je me rends à l’EIC, je suis impressionné par les sons et les effets qu’ils peuvent tirer de leurs instruments. Je suis très reconnaissant de pouvoir leur poser des questions et échanger des idées avec eux. Leurs formidables expertises techniques sont particulièrement édifiantes, et j’entends là ce qui est possible à la pointe de l’avant-garde.

Travailler avec Matthias est également un rêve devenu réalité. Sa compréhension musicale est si détaillée, et ses intentions si bien définies. Sa relation avec les musiciens est très profonde et l’atmosphère très collégiale. J’apprends à chaque projet et je suis très reconnaissant de cette opportunité de le côtoyer, de travailler dans un environnement aussi excitant et d’être aux premières loges de son art de faire de la musique. Cela ouvre mon horizon.

Pour la suite de votre mandat, quels projets vous font le plus envie ?
J’ai hâte de la suite et des grands projets qui nous attendent, qui seront pour moi autant d’expériences et de souvenirs fabuleux avec l’EIC. J’ai commencé les répétitions de The Outcast, d’Olga Neuwirth, sous la direction de Matthias. C’est passionnant, et j’ai hâte de découvrir l’œuvre en concert le 26 septembre. 

 

Photos (de haut en bas) : © Ovidiu Matiu / © EIC