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Entretien avec Aurélien Gignoux, percussionniste.   

Entretien Par Jéremie Szpirglas, le 20/04/2022


D
epuis quelques mois, l’Ensemble intercontemporain accueille dans ses rangs un nouveau venu : le percussionniste Aurélien Gignoux. Rencontre avec un jeune musicien passionné de création et de projets atypiques.

Aurélien, comment êtes-vous devenu musicien ?
J’ai eu la chance de grandir dans un milieu musical — mes parents sont musiciens. J’ai ainsi été très tôt confronté à une grande variété de sons et de genres musicaux — classique, bien sûr, mais aussi jazz et musiques improvisées en général — ce qui a ouvert mon écoute.

J’ai commencé la percussion assez jeune, mais c’est surtout mes différentes rencontres avec des personnalités ouvertes et avides de pluridisciplinarité — notamment Éric Sammut, soliste à l’Orchestre de Paris et grand marimbiste —, qui m’ont conduit à me plonger plus avant dans les mondes de l’improvisation en parallèle de celui de la musique écrite. Cette constante remise en perspective de l’une et l’autre pratique a fait de moi le musicien que je suis aujourd’hui, capable de naviguer entre les milieux pour mieux prendre du recul sur chacun.

Avez-vous des affinités particulières avec certains instruments dans cette grande famille des percussions ?
Je nourris un intérêt particulier pour les claviers, le marimba notamment, mais aussi les timbales, pour les sensations physiques que me procurent cet instrument imposant.

Cependant, au-delà de ces quelques instruments en particulier, c’est plus l’éventail des timbres qui m’intéresse, et l’immense choix qu’ils offrent en termes modes de jeu (selon les baguettes, les attaques, etc.) pour faire sonner une même matière.

D’où vous vient votre intérêt pour la musique contemporaine ?
En partie de mon éducation, certainement, mais il s’est définitivement imposé au cours de mes années d’étude au CNSM de Paris : je suis entré au CNSM l’année où Gilles Durot a commencé à enseigner — Gilles Durot qui est aujourd’hui un collègue au sein de l’Ensemble !

D’un point de vue plus personnel et instrumental, la fréquentation du répertoire contemporain m’a fait découvrir le formidable laboratoire sonore que représente la percussion : la recherche n’y est jamais limitée à un son ou à un type de sons en particulier.

Vous êtes déjà un habitué du répertoire contemporain et des expériences singulières de concert : quels sont jusqu’ici vos souvenirs les plus forts dans le domaine ?
La découverte du Trio K/D/M, que j’ai eu la chance d’intégrer en 2018. Ce trio, composé de deux percussionnistes et accordéon, m’a révélé une approche de la création et du monde contemporain au travers de très beaux projets. Outre son répertoire conséquent, c’est le travail conjoint avec de grands compositeurs tels que Jean-Pierre Drouet, Philippe Hurel, Martin Matalon ou Yan Maresz qui m’a beaucoup apporté. L’univers de ces trois derniers compositeurs m’a donné envie de poursuivre, mais aussi de remonter vers leurs racines musicales propres, auxquels ils ont apporté chacun leurs touches. C’est ainsi par exemple que je me suis plongé dans la musique spectrale, les œuvres de Gérard Grisey ou Tristan Murail.

 

 

Que représente pour vous l’Ensemble intercontemporain ?
D’abord, une grande institution, une grande maison de musique et de création.
Je m’y suis présenté car ses missions concordaient avec mes envies : j’avais envie de jouer avec ces solistes, qui sont tous d’immenses personnalités musicales, et de découvrir avec eux le vaste répertoire de l’Ensemble, sous la baguette des plus grands chefs.
Pour être tout à fait honnête, intégrer l’EIC n’était pas pour moi un rêve d’enfant : quand j’étais jeune, je rêvais davantage d’intégrer une grande formation symphonique, allemande par exemple. Mais mes rêves ont évolué, de même que mes attentes, et devenir soliste de l’Ensemble intercontemporain est aujourd’hui une vraie consécration pour moi !

Comment s’est passé le concours ?
Il a été intense et conséquent. Le programme m’a poussé dans mes limites, aussi bien instrumentales que mentales. Il ne fallait jamais lâcher l’objectif, jamais perdre l’écoute et la qualité musicale. Ça a été un grand défi, un exercice dur et âpre, malgré sa brièveté. Le premier tour, surtout, qui se fait « à l’aveugle », avec un paravent qui s’apparente plus à un mur absorbant le son. Une fois ce sprint passé, j’étais heureux de jouer le reste de mon programme sans le paravent, et j’ai presque pu « profiter » des deux tours suivants.

Quel a été l’accueil de vos collègues lors de vos premières répétitions ?
Il y a à l’Ensemble une vraie culture de bienveillance dans l’accueil des nouveaux entrants et je me suis senti parfaitement bienvenu. J’ai ainsi pu prendre mes marques dans une belle énergie.

Ma première expérience avec l’Ensemble a été une répétition du spectacle Reich/Richter en vue d’une tournée à Rome. Dès les premières minutes, je me suis surpris à écouter, à profiter de ce son formidable, le sourire aux lèvres.

Qu’attendez-vous de cette nouvelle vie musicale qui commence ?
J’ai hâte de poursuivre mon exploration des répertoires et de rencontrer les compositeurs que je ne connais pas encore. J’ai aussi envie de prise de risque. C’est un ensemble qui se doit d’être à la pointe de la recherche sous toutes ses formes. J’aimerais pouvoir sortir du cadre, faire l’expérience de modes de fonctionnement qui ressemblent davantage à ceux du théâtre, avec des préparations plus longues, un partage de connaissances, des productions qui tournent plus. Également expérimenter des formes musicales autour de l’improvisation…

Photos (de haut en bas) : © Franck Ferville / © Quentin Chevrier / © EIC / © Quentin Chevrier