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Le trompettiste et son double. Entretien avec Clément Saunier.

Entretien Par Jéremie Szpirglas, le 18/02/2022


L
e 24 février prochain, le trompettiste Clément Saunier sera à Nice pour créer, dans le cadre du festival MANCA, une nouvelle œuvre pour trompette solo et électronique du compositeur français Yann Robin : Doppelgänger I. Une création qui vient après le Doppelgänger Concerto n°1 créé par le même Clément Saunier et l’Ensemble intercontemporain en septembre 2021 à la Cité de la musique. Il nous parle de sa collaboration étroite avec le compositeur.

Clément, quel souvenir avez-vous de la création de Doppelgänger Concerto n°1 de Yann Robin en septembre 2021 ?
Yann composait pour la première fois pour la trompette en tant qu’instrument soliste, mais il avait déjà en tête maintes idées de sonorités et d’effets. Nos nombreux échanges préparatoires et son imaginaire ont ainsi fait émerger des sonorités étonnantes — presque insoupçonnées, en ce qui me concerne !

L’un des principes de composition sur lequel Yann Robin voulait s’appuyer dans ce Doppelgänger Concerto était, comme son titre l’indique, le « Doppelgänger», soit le double, possiblement maléfique. Quel a été votre sentiment en jouant ?
Ce concept de double maléfique s’immisce progressivement dans l’œuvre : c’est d’ailleurs l’un de ses grands défis musicaux et techniques. Ce fut un grand plaisir de le relever avec mon collègue Lucas Lipari Mayer au sein de l’ensemble !

Comment Doppelgänger I, pour trompette et électronique, s’articule-t-il avec Doppelgänger Concerto n°1 ?
La dynamique à l’œuvre dans ce cycle Doppelgänger est similaire à celle que Yann a mise en œuvre dans d’autres cycles antérieurs pour solistes : Art of Metal pour la clarinette contrebasse métal d’Alain Billard, et Symétriade/Asymétriade pour la contrebasse de Nicolas Crosse
.

Y aura-t-il donc un troisième volet, comme dans ces autres cycles ?
Cette question ne se posera vraiment qu’une fois cette deuxième pièce pour trompette et électronique créée !
 En revanche, je sais que ce projet Doppelgänger sera décliné pour d’autres instruments solistes très rapidement.


Quels sont les points communs entre Doppelgänger Concerto n°1 et Doppelgänger I ? L’électronique vient-elle remplacer l’ensemble ou est-ce plus complexe que cela ?
Les objets sonores que nous avons pu rechercher et créer ensemble pour la première pièce sont partiellement repris. L’accompagnement par l’électronique est cependant très différent de celui pour ensemble.

Ce volet a-t-il nécessité de nouvelles sessions de travail avec Yann Robin ?
J’ai enregistré pour lui la partie de trompette du concerto dans la semaine qui a suivi sa création, le 25 septembre 2021, puis la nouvelle partie de trompette de Doppelgänger I avant sa création en février 2022, afin de fournir à Yann et à Robin Meier, le réalisateur en informatique musicale qui l’accompagne, tous les matériaux possibles pour qu’ils puissent sculpter ensemble la partie électronique. Ces échanges de matières créatives entre le compositeur, l’interprète et le RIM sont passionnants !

Quels sont pour vous les enjeux d’interprétation de cette nouvelle œuvre ?
Dans ce volet, Yann s’est davantage intéressé aux sonorités extrêmement graves, et même à des hauteurs qui n’existent pas à proprement parler à la trompette ! Cette exploration de la tessiture donne naissance à une étonnante passacaille qui s’appuie sur des notes pédales. D’un point de vue plus intime, il y a aussi pour moi un enjeu de « lâcher prise » face à cette œuvre : c’est une musique où un excès de contrôle physique et émotionnel constitue un frein à l’ivresse sonore qui confine à la folie.

Photos (de haut en bas) : © Franck Ferville / © EIC