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Inventer et se réinventer. Entretien avec Vincent-Raphaël Carinola, compositeur.

Entretien Par Jean-Christophe Montrency, le 30/03/2018

Le 7 avril prochain, à la Médiathèque Marguerite Duras,  le compositeur Vincent-Raphaël Carinola présentera, avec Clément Lebrun et des solistes de l’EIC, le troisième et dernier volet de la nouvelle série d’ateliers-découverte Sound Kitchen. Un ultime rendez-vous, intitulé Chimères, qui nous emmènera, loin, très loin, dans des mondes sonores inattendus et même chimériques…

Vincent-Raphaël, quelle a été votre démarche pour cette nouvelle série d’ateliers Sound Kitchen ?

Tels qu’ils m’ont été proposés par l’EIC, les Sound Kitchen (qu’on peut traduire par « cuisine sonore ») correspondent en fait à une démarche que je suis depuis longtemps et qui me paraît très importante, voire vitale, pour la création musicale, et qui a pour but de permettre à l’auditeur d’accueillir les œuvres qu’il va écouter, de l’aider à les « lire ». Cela ne peut se faire qu’en amont du concert et le moyen le plus efficace me semble être de faire entrer l’auditeur dans l’atelier, la « cuisine » du compositeur, et même de l’inviter à prendre sa place.

Comment cela ?

Je suis parti des concepts les plus communs du musical — la partition, l’instrument de musique, l’interprète, le concert… — pour montrer, d’une part, que ce ne sont pas des catégories figées et, d’autre part, la façon dont les nouvelles technologies sont en train de les modifier radicalement. Mais il ne s’agit pas pour moi d’une proposition de type pédagogique, ou de chercher à délivrer un savoir magistral. Il se trouve que ces questionnements accompagnent en permanence mon travail de composition, et le déterminent presque. Par exemple, dans le dernier atelier intitulé « Chimères », il sera question de la relation entre l’interprète et les instruments nouveaux, de la façon dont le musicien doit se réinventer face à des objets techniques qui remettent en question sa propre pratique. Le public peut prendre la place de l’interprète et expérimenter lui-même cette relation.

Comment incluez-vous le public dans cette démarche ?

Avec Clément Lebrun et les musiciens de l’EIC nous cherchons à créer les conditions pour que le public intervienne dans le « geste » de création musicale : le public fabrique ainsi des sons, les spatialise, leur donne une représentation symbolique, interprétée ensuite par des musiciens de l’ensemble, et il peut même manipuler des instruments nouveaux. C’est en faisant que la capacité d’écoute s’affine !

Pour ce dernier Sound Kitchen, vous avez souhaité présenter Toucher, une œuvre pour thérémine, un instrument pas comme les autres…

Toucher (photo ci-dessus) est né d’une proposition de Claudio Bettinelli, percussionniste qui aime expérimenter des dispositifs de jeu nouveaux intégrant les technologies numériques. C’est une démarche de plus en plus en courante chez les interprètes. Le thérémine est le premier instrument électronique (inventé en 1919, avant les Ondes Martenot (1928), avec lequel il partage la technique de production sonore). C’est aussi un instrument magique, car on en joue sans le toucher : il capte la position des mains autour de ses antennes pour générer le son. Dans Toucher justement, le thérémine est exploré comme un capteur de geste, une interface de jeu permettant à l’interprète d’interagir avec d’autres sons de synthèse numérique, qu’il manipule, transforme, déclenche, etc. Cela créée une situation très particulière où l’interprète semble détaché de l’instrument, son corps, ses gestes, devenant alors le support même à un travail d’écriture… et un objet de contemplation intrigant.

Reportage sur Toucher pour thérémine

Photos (de haut en bas) : © Esther Carinola / autres photos © EIC