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Flexible Silence. Entretien avec Saburo Teshigawara, chorégraphe.

Entretien Par Ensemble intercontemporain, le 16/02/2017

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Après l’opéra Solaris dont il avait conçu le livret, la mise en scène et la chorégraphie, sur une création musicale de Dai Fujikura, Saburo Teshigawara retrouve l’Ensemble intercontemporain pour une nouvelle production chorégraphique au Théâtre National de Chaillot du 23 février au 3 mars. Entretien avec le chorégraphe et danseur japonais sur le thème de ce nouveau spectacle : le silence.

Qu’y avait-il au départ de ce spectacle : la danse ou la musique ?

Cette pièce est née à partir de la musique. Les mouvements des danseurs, et même leur manière d’exister sur scène, sont définis par  la matière de la musique. Ceci montre mon respect vis-à-vis de la musique et de ce qui naît grâce à elle.

Après l’opéra Solaris en 2015, pourquoi avoir choisi de travailler à nouveau avec les solistes de l’Ensemble intercontemporain ?

J’étais curieux de découvrir comment ces musiciens dotés d’une telle technique et d’une telle sensibilité musicale interprèteraient les magnifiques musiques de Toru Takemitsu et d’Olivier Messiaen et quel univers ils créeraient avec nous, les danseurs.

Qu’est-ce que le silence pour vous ?

Le silence existe-t-il ? Ou bien devons-nous aller le chercher et le poser ici, sous nos yeux ? Moi, je considère que le silence doit être créé. Tant que nous sommes vivants, le silence nous est quelque chose de mystérieux. Car tant que nous vivons, tant que nous possédons un corps, nous vivons avec les sons qu’émet notre vie : les souffles, le cœur qui bat, le sang qui circule, les bruits que le corps crée, les sons de confrontation, le frottement, le timbre de notre voix. Et même quand nous nous taisons, nous entendons un léger son. Le silence est donc quelque chose à découvrir ou à aller chercher, quelque chose que l’on tente de faire naître par le fait de se taire. C’est parce que nous sommes nombreux sur scène que nous créons ensemble le silence. Artificiellement.

_MG_5006Solaris au Théâtre des Champs-Élysées

Le silence n’est-il pas quelque chose de naturel ?

Le silence existe sûrement dans la nature. Mais, comme l’homme n’y existe pas, nous ne pouvons que l’imaginer. Nous vivons une existence presque contradictoire entre le corps et la nature. Nous nous amusons de cela, nous en sommes embarrassés et nous en sommes ravis. Le silence est plein de liberté.

Pour vous, quel rapport entretient la musique avec le silence ?

La musique est composée de sons audibles et non audibles. Le son qui ne s’entend pas, c’est-à-dire le silence, coule dans la musique, derrière la musique et même après que la musique a cessé. Je pense que ce silence peut s’étendre ou se rétrécir, d’où le titre Flexible Silence. Par ailleurs, la beauté de la musique nous rapproche de la nature. Grâce à elle, nous pouvons ressentir le silence. La musique peut être du bruit mais aussi de la beauté. Elle peut être désordonnée ou structurée. Le silence existe dans cette chose structurée, derrière, à l’intérieur, comme une présence géante que nous ne pouvons saisir…

 

extraits d’un entretien initialement publié dans le programme du spectacle au Théâtre National de Chaillot

Photos (de haut en bas) : Saburo Teshigawara / DR ;  Solaris au Théâtre des Champs-Elysées © Franck Ferville