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Souvenir de création. Jeanne-Marie Conquer, violoniste.

Entretien Par Jéremie Szpirglas, le 28/12/2016


À l’occasion des 40 ans de l’Ensemble intercontemporain en 2016-17, nous avons demandé à chaque soliste de nous faire part d’un souvenir marquant de création.  Jeanne-Marie Conquer, violoniste, qui a rejoint l’EIC dès 1985, se souvient aujourd’hui de la création d’…explosante fixe… de Pierre Boulez.

> Création d’…explosante-fixe… (1991-1993) de Pierre Boulez, pour flûte solo, deux flûtes, ensemble et électronique, le 24 janvier 1994 au Théâtre du Châtelet.

Lors de sa création dans une première version inachevée, …explosante-fixe… durait sept minutes. Quand Pierre Boulez l’a terminée, c’était une œuvre de trente-six minutes. C’est aussi à partir d’un petit noyau de sept notes tirées d’…explosante-fixe… qu’il a ensuite écrit Anthèmes pour violon et Anthèmes II pour violon et électronique, qui font partie des grandes pages pour violon seul du XXIe siècle.


Quand j’ai participé à la création de cette première partie de la pièce, je n’étais pas en mesure d’imaginer quelle allait être la consistance de l’œuvre achevée. J’étais loin d’appréhender le processus créatif, mais c’est aussi de cette manière que j’ai pu aborder l’œuvre et comprendre que l’écriture ne participe pas d’une inspiration romantique mais résulte d’un travail structuré. Un labeur quotidien à l’image des gammes et des arpèges de l’interprète. Pierre Boulez était confronté à un choix de vie, contraint de hiérarchiser ses priorités dans le temps. Il ne lui était certainement pas facile, entre les multiples aspects de son activité (chef d’orchestre, directeur de l’Ircam et de l’Ensemble intercontemporain, ardent promoteur de la Philharmonie de Paris, etc.) de consacrer à la composition tout le temps qu’il aurait souhaité. Or le temps est un facteur nécessaire pour mûrir une œuvre, pour l’interprète comme pour le compositeur, une nécessité pour l’habiter de l’intérieur. La création est un continuum qui appartient au créateur, tout en restant magique aux yeux de l’interprète et de l’auditeur. C’est ainsi que je l’ai vécu avec Pierre Boulez.


 

Photos (de haut en bas) : 1 © Franck Ferville / 2-3 © Luc Hossepied pour l’Ensemble intercontemporain