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Back to USA. Entretien avec Matthias Pintscher, directeur musical de l'Ensemble intercontemporain.

Éclairage Par Jéremie Szpirglas, le 02/11/2015

Matthias Pintscher-2(c)Matthias Baus
Après 6 ans d’absence aux Etats-Unis, l’Ensemble intercontemporain y fera son « come back » du 6 au 15 novembre avec une nouvelle et grande tournée qui le mènera d’une côte à l’autre. Matthias Pintscher, le directeur musical de l’Ensemble, new-yorkais d’adoption, nous décrit les enjeux de cet événement aux multiples dimensions.
Matthias Pintscher, cette tournée n’est pas une simple série de concerts puisqu’elle s’appuie principalement sur un circuit universitaire et institutionnel. Pourquoi cela et qu’en attendez-vous ?
Il y a une réelle adéquation, artistique et économique entre ce que nous proposons et ce que recherche ce type d’organisateurs, surtout les universités. Je suis convaincu que, pour appréhender l’esprit et le répertoire d’un ensemble comme le nôtre, il ne suffit pas de venir l’écouter en concert, pendant deux heures. Il faut enrichir l’expérience et proposer des activités de découverte à des publics variés. C’est précisément ce que nous offrons avec cette tournée qui comprendra des rencontres, des conférences, des ateliers avec des musiciens, des séances de lecture de partition de jeunes compositeurs, etc.
13-DSCF5027_copyright Luc Hossepied
Vous parlez souvent de votre désir de faire le pont entre les Etats-Unis et l’Europe, et plus particulièrement la France : espérez-vous rapprocher ainsi ces deux scènes, musicales ?
J’éprouve tant de frustration face à ce fossé qui nous sépare depuis trop longtemps. Un fossé nourri de préjugés, qui repose de surcroit sur un état des lieux obsolète de la scène musicale contemporaine aux Etats-Unis. J’ai d’ailleurs pu remarquer que les américains sont bien plus au courant de ce qui se passe chez nous que l’inverse. Ils en sont très curieux — et c’est bien naturel : l’avant-garde européenne est d’une grande richesse. Alors que les européens sont encore très ignorants de l’impressionnante variété de courants esthétiques et d’enseignements qu’abrite la scène américaine.
Une telle tournée nous permet d’aller nous-mêmes à la rencontre des forces vives de la création musicale outre Atlantique, pour découvrir ce qui s’y fait et s’y prépare. L’avant-garde américaine a elle aussi beaucoup changé depuis une vingtaine d’années. Les universités sont un formidable terreau de jeunes talents, interprètes ou compositeurs, dont nous avons à apprendre, autant que nous pouvons leur apporter. Du reste, c’est exactement ce à quoi nous aspirons lorsque nous partons en tournée partout dans le monde. Nous ne sommes pas seulement un ensemble qui produit, nous l’espérons, des concerts remarquables, mais aussi (et surtout) des artistes curieux, toujours en recherche. Aux concerts s’adosse donc toujours une série d’ateliers afin de partager notre savoir et notre savoir-faire en même temps que d’aller à la rencontre de la musique telle qu’elle existe et se pratique dans les lieux visités.
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Comment avez-vous choisi les œuvres qui seront jouées au cours de cette tournée ?
Avant tout, nous avons recherché la diversité. Et nous ne jouerons pas le même programme à chaque étape. Ce sera donc un panorama assez large de ce que nous représentons : des sources de la musique du XXe siècle jusqu’à d’aujourd’hui (avec deux créations). Nous voulons bien sûr faire entendre notre héritage, ce qui représente la colonne vertébrale de notre ensemble, héritée de Pierre Boulez. En tant qu’ambassadeurs de la musique française, nous en jouerons quelques œuvres significatives, comme sur Incises. Ensuite, nos hôtes nous ont tous demandés d’amener quelques œuvres de ma propre musique : il était à leurs yeux important de mettre l’accent sur le fait que, pour la première fois depuis Pierre Boulez et Peter Eötvös, l’Ensemble est aujourd’hui dirigé par  un compositeur qui soit aussi chef d’orchestre. D’autre part, ils ont fait preuve d’une grande curiosité à l’égard de nos expériences dans le domaine de la pluridisciplinarité et ont été séduits par le projet multimédia de Kurt Hentschläger et Edmund Campion, Cluster.X  (photo ci-dessous) que nous venons de présenter au cours du dernier week-end de Turbulences Numériques à la Philharmonie de Paris. Enfin, nous nous produirons dans un format d’ensemble plus réduit, et même chambriste ; l’occasion d’un retour aux racines de notre répertoire, avec notamment le toujours aussi troublant Concerto de Chambre d’Alban Berg ou Octandre d’Egard Varèse, lequel, faut il le rappeler, émigra à New-York en 1915.