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Retour sur la saison 2014-2015 : Gilles Durot, percussionniste

Entretien Par Jéremie Szpirglas, le 09/07/2015

Durot_Gilles©Franck Ferville-def
La saison 2014-2015 s’achève et quelques solistes de l’Ensemble intercontemporain nous livrent leur expérience personnelle d’une année riche en événements et en émotions. Gilles Durot, percussionniste, en témoigne.

Quels événements retenez-vous de cette saison ?
Premier événement, par ordre chronologique : la carte blanche à Peter Eötvös pour ses soixante-dix ans à la Maison de la Radio, un grand moment de musique, qui déclinait divers aspects de sa personnalité de compositeur. Aujourd’hui une grande figure de la musique contemporaine, Peter reste très attaché à l’Ensemble intercontemporain, même si nous n’avions pas eu l’occasion de travailler avec lui depuis quelques temps. Nous avons notamment joué sa Sonata per sei, pour trois percussionnistes et trois pianistes, une œuvre où j’ai pu faire l’expérience d’une rare proximité avec lui.
Deuxième événement, incontournable : l’ouverture de la Philharmonie de Paris. Les percussionnistes de l’Ensemble ont eu la formidable (et difficile)  mission de le représenter au cours des journées Portes Ouvertes inaugurales, avec un spectacle familial créé pour l’occasion, La percussion dans tous ses éclats, mêlant théâtre et musique. L’ambiance était formidable. De même pour notre premier concert dans la nouvelle salle : Pli selon Pli de Boulez et Amériques de Varèse (photo ci-dessous), avec les élèves du Conservatoire de Paris et sous la direction de Matthias Pintscher.
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Troisième événement : le week-end Pierre Boulez pour fêter ses quatre-vingt-dix ans. Je retiens surtout la collaboration avec les ballets Béjart, une collaboration qu’on ne peut que vouloir approfondir après les avoir accompagnés dans la Sonate pour deux pianos et deux percussions de Bartók. Cette chorégraphie met vraiment la musique en valeur : c’était magnifique !
Quatrième événement : le très beau programme que nous avons donné au Barbican Center au mois d’avril. Grande émotion, quand Sophie Cherrier a interprété l’un après l’autre Syrinx de Debussy et Mémoriale de Boulez. Deux belles œuvres ont suivi, symboles de l’éclectisme défendu par l’Ensemble : Choc de Matthias Pintscher et Asymétriades de Yann Robin, une partition qui met formidablement en valeur le jeu de contrebasse, tout en démesure, de Nicolas Crosse. En clôturant le concert par une interprétation très réussie de l’emblématique sur Incises a finalement renforcé le sentiment qui régnait ce soir-là : le sentiment d’un lien qui se renforce toujours davantage entre l’Ensemble et Matthias Pintscher.
Enfin, cinquième et dernier événement à la Philharmonie de Paris : Répons de Pierre Boulez, une œuvre majeure qu’on n’avait pas jouée depuis 6 ans. Matthias nous y dirigeait pour la première fois et s’en est sorti magnifiquement. Jouer ce genre de chef-d’œuvre, dont la plupart des solistes de l’Ensemble ont accompagné toutes les étapes de la longue maturation, est toujours un grand moment.
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 concert éducatif, La percussion dans tous ses éclats

De manière plus générale, quel est votre ressenti sur l’ensemble des activités (concerts, actions éducatives, enregistrements, etc.) menées cette saison ?
Une dimension nouvelle se fait jour, avec davantage d’initiatives venant des solistes, à l’instar du spectacle musical dont je parlais à l’instant, conçu par les percussionnistes de l’Ensemble. On nous fait confiance et c’est très agréable. Une véritable réflexion sur les formats des concerts se développe petit à petit, comme on l’a vu dans l’élaboration des week-ends Turbulences. Une proximité inédite avec le public ainsi qu’un rapport plus direct et moins froid voient le jour. Avec l’ouverture de la Philharmonie, un public nouveau arrive qu’il ne tient qu’à nous de cultiver.

Après deux saisons quel regard portez-vous sur la collaboration avec Matthias Pintscher, le directeur musical de l’Ensemble ?
Jouer sous sa direction est un vrai plaisir. Son rapport à la musique est assez direct, en prise avec l’émotion. Au pupitre, il est très proche de ses musiciens : il les laisse jouer et crée une atmosphère agréable, souriante. Il développe ainsi une véritable connivence avec les musiciens qu’il a en face de lui.
Il ouvre l’Ensemble en nous amenant également un répertoire nouveau, et notamment de jeunes compositeurs américains et allemands. C’était particulièrement palpable au cours de la saison passée. La musique allemande (des arrangements de Mahler ou Wagner aux œuvres d’Helmut Lachenmann) y est très présente et ça nous fait du bien. En parallèle, sa proximité avec de nombreux artistes d’envergure internationale, ainsi que sa connaissance des autres disciplines artistiques, nous amènent à des associations originales et des projets transversaux.
Cela ne l’empêche toutefois pas de se plonger, en tant que directeur musical de l’Ensemble, dans les grands moments de notre histoire : nous trouvons ainsi une force artistique commune qui soude l’équipe. Au reste, l’expérience prouve que, dès qu’un compositeur a dirigé l’Ensemble, il a su très facilement mettre en regard l’histoire de la musique avec la création — et Matthias le fait de manière très intelligente.
DSC_6583-Durot-Gilles©Luc Hossepied
Quels sont pour vous les grands rendez-vous de la saison 2015-16 ?
Dans le domaine de la musique de chambre, l’un des plus grands défis sera pour moi le concert donné au Wigmore Hall de Londres, un concert à deux pianos et deux percussionnistes… La Sonate pour deux pianos et deux percussions de Béla Bartók sera entourée de l’incroyable Music for a Summer Evening de George Crumb et d’une création du jeune Aurélio Edler-Copes, écrite pour un dispositif instrumental identique à celui du Bartók, celui-ci étant même pour lui une contrainte d’écriture.
Le portrait  consacrée à Unsuk Chin m’interpelle également : c’est une grande compositrice, qui écrit en outre magnifiquement pour la percussion. Victor Hanna jouera une de ses pièces solistes et Samuel Favre jouera le Double Concerto pour piano et percussions. C’est un événement à ne pas rater, au même titre que le Grand soir Aperghis ou la création de la nouvelle œuvre magistrale d’Olga Neuwirth, Le Encantadas o le avventure nel mare delle meraviglie. Un titre qui a luis seul est une invitation au voyage.


Photos, de haut en bas : (c) Franck Ferville / (c) Luc Hossepied pour l’Ensemble intercontemporain