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Entretien avec Clément Saunier, trompettiste

Entretien Par Lou Madjar, le 14/01/2015

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Clément Saunier, trompettiste, sera l’interprète principal de Metallics (pour trompette solo et électronique) et Metal Extensions (pour trompette solo et ensemble) du compositeur français Yan Maresz,  au programme du concert du 16 janvier 2015 à la Philharmonie de Paris. Entretien sur deux œuvres liées l’une à l’autre et pourtant rarement jouées ensemble.
 
Qu’avez-vous pensé du projet de Metallics (reproduire, au moyen de l’électronique, le phénomène des sourdines) quand vous l’avez découvert ?
Yan Maresz a été très inspiré de choisir la trompette pour relever ce défi : nous avons une grande variété de sourdines pour la trompette, et, avec chacune, une grande variété de timbres possibles.
Certaines sourdines véhiculent tout un imaginaire, lié à un répertoire ou un interprète en particulier : avez-vous le sentiment que Yan Maresz en joue également ?
Je ne pense pas. Cela dit, on peut se demander si, par moments, il ne fait pas un clin d’œil au jazz, par exemple — la sourdine Harmon fait souvent penser à la trompette de Miles Davis, et quelques traits, notamment au milieu de l’œuvre, s’y prêtent bien — ou à la musique française, souvent associée à la sourdine sèche — j’ai ainsi l’impression d’entendre quelques touches ravéliennes dans les passages où Yan la demande.
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Mis à part un mouvement que Yan Maresz n’avait pas eu le temps d’écrire dans Metallics et qu’il a donc ajouté à Metal Extensions, les deux parties de trompette sont-elles exactement identiques ?
Tout à fait. Cela dit, la partie rajoutée est sans doute l’une des plus exigeantes techniquement pour le soliste ! Cependant, jouer cette partie de trompette dans Metallics, avec électronique, et dans Metal Extensions, avec l’ensemble (qui joue une version orchestrée de la partie électronique de Metallics) sont deux exercices sensiblement différents. Je ne joue pas exactement de la même manière. Dans Metallics, l’électronique exige une très grande précision, pour être en totale synchronisation avec certains déclenchements, alors que l’interaction avec le chef dans Metal Extensions permet une plus grande souplesse, dans l’agogique, mais aussi dans les choix de tempo. Cela mis à part, c’est pour moi exactement la même œuvre que je joue deux fois.
L’électronique suppose-t-elle également une autre manière de travailler ?
Oui et non. Le dispositif électronique est malheureusement un peu lourd et, sauf lors de mes sessions en studio à l’Ircam, j’ai rarement l’occasion de travailler avec l’électronique et ses sons transformés.
En studio, le travail sur Metallics porte sur la précision, sur la compréhension et l’anticipation des déclenchements successifs, ainsi que sur l’équilibre des nuances, pour bien doser l’amplification et les transformations en temps réel et être certain que tous les effets demandés sont audibles. Yan demande par exemple des effets très rarement usités, comme les « pops », petites bulles sonores produites dans l’embouchure, qu’on entend à la fin de la pièce : c’est très discret et il faut trouver la bonne distance et le bon placement vis-à-vis du micro. Sur Metal Extensions, je me concentre davantage sur la puissance et le volume, pour être en mesure de rivaliser avec l’ensemble qui m’accompagne. Le travail orchestral est également conséquent, et le chef très sollicité.
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 Que suppose jouer l’un puis l’autre dans un même concert ?
D’après Yan, ça n’a été fait qu’une seule fois ! Et c’est compréhensible : c’est une véritable épreuve. Si l’on compte la générale avant le concert, je devrai jouer cette partie extrêmement virtuose quatre fois dans la même journée ! C’est très physique. Mais la démarche est passionnante.Au reste, Yan a été très présent au cours des répétitions et j’ai l’impression que c’est encore pour lui un work-in-progress : à chaque écoute, il a de nouvelles idées, de nouvelles expériences auxquelles il veut se livrer. Je pense que c’est une des œuvres majeures de sa vie de compositeur, une œuvre qui ne cesse d’évoluer.
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Photos : Luc Hossepied pour l’Ensemble intercontemporain