Afficher le menu

Metropolis : entretien avec Martin Matalon

Entretien Par Véronique Brindeau, le 16/05/2011


En 2008, une copie du film Metropolis comportant de nombreux passages inédits ainsi que deux scènes totalement inconnues a été retrouvée au Musée du cinéma de Buenos Aires. Le compositeur Martin Matalon a donc entièrement revu la partition qu’il avait composée en 1995 pour s’adapter à cette découverte historique. ­Au total une vingtaine de minutes de musique ajoutées et une vingtaine d’autres coupées – le défilement de la nouvelle copie étant en effet plus rapide.
Créée le 5 mars 2011 lors de la Biennale de Salzbourg par l’Ensemble Modern, l’œuvre est présentée le 18 mai en création française à la Cité de la musique par l’Ensemble intercontemporain.


Vous avez composé plusieurs partitions pour des films muets. Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans ce travail ?

Pour un compositeur, il est très intéressant de composer pour un film muet parce que la musique joue là un rôle primordial. C’est un peu la parole du film. J’aime aussi beaucoup le fait qu’il n’y a que très peu de références dans ce domaine, à la différence de l’opéra qui a quatre ou cinq siècles d’histoire, ou d’autres formes. Puisqu’il n’y a pas de référence, tout est à construire à travers par les rapports que l’on entretien avec l’image, les différents spectres de relations que l’on peut tisser. L’absence de références, et tout particulièrement pour Metropolis, conduit à devoir trouver des solutions pour des situations que l’on n’imaginait pas du tout. Ce film était a priori très éloigné de mon esthétique et des recherches que je menais, peut-être même complètement à l’opposé. De ce fait, je devais aller chercher très profondément en moi pour trouver une connexion avec le film. Quand on travaille avec l’autre, on s’approprie en quelque sorte une part de la problématique de l’autre, et c’est cela qui est enrichissant. J’ai vécu une même expérience dans mes compositions sur des films de Bunuel. Dans chacun de ses films, du premier jusqu’au dernier, Le Fantôme de la liberté, il instaure à chaque fois un rapport à la narration complètement nouveau, étrange, créant toujours des tournures très inventives. En travaillant sur ses films, cette problématique-là devenait aussi la mienne. C’est cela qui est intéressant dans le fait de travailler avec l’autre, que ce soit avec des films, des textes, avec d’autres médiums.
Ce travail sur des films de Bunuel (Un Chien andalou, L’âge d’or, Terre sans pain) a-t-il eu un retentissement sur tes autres compositions ?
Tout à fait. Ces problématiques que l’on s’approprie, elles demeurent pour les autres pièces. Je parlais de Bunuel, mais j’ai aussi beaucoup travaillé sur des textes de Borges, qui m’a marqué en particulier par sa maîtrise de la forme courte. Auparavant, je n’avais jamais pensé aux formes brèves, aux miniatures. Borges écrit des contes en trois ou cinq lignes que l’on peut relire cinquante fois parce qu’on va toujours y trouver quelque chose de nouveau. Cette condensation, cette densité dans un temps minimum, ce sont des choses auxquelles je n’avais peut-être pas pensé mais que Borges m’amène à considérer et qui restent pour toute une vie de compositeur.
Propos recueillis par Véronique Brindeau le 16 mai 2011 – Photo répétition Metropolis copyright Luc Hossepied / photo Martin Matalon copyright Nicolas Botti