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Les mots d'Otemo – entretien avec Vassos Nicolaou

Entretien Par Antoine Pecqueur, le 15/09/2009

Nicolaou

Le compositeur chypriote Vassos Nicolaou, né en 1971, développe un langage singulier, à l’écart des -courants institués. Sa dernière pièce, Otemo, a été créée en juin 2009 au Festival Agora. L’occasion de revenir sur le parcours de ce compositeur, aujourd’hui installé à Berlin.
Quelles relations entretenez-vous avec l’Ircam et l’Ensemble intercontemporain ?
J’aime beaucoup travailler à l’Ircam. Son atmosphère est très propice à la création, d’autant que l’expertise technique y est de très haute qualité. L’Ensemble -intercontemporain est exemplaire et représente un modèle pour d’autres ensembles qui se sont constitués plus tard. Ses commandes ont permis la composition de bon nombre d’œuvres de très haute tenue au cours des trois dernières décennies. J’attends avec impatience la création de ma prochaine œuvre, un exemple de la complémentarité de ces deux -institutions.
Comment conciliez-vous musique acoustique et électronique ?
C’est un vrai défi à relever. Le travail sur ordinateur élargit l’horizon musical des compositeurs mais aussi leur manière de penser. Je me suis familiarisé très tôt avec les deux techniques, électronique et acoustique. Il est naturel pour moi d’exploiter ces deux médiums et d’explorer leurs manières d’interagir. Les ordinateurs sont des instruments plus que jamais en prise avec le monde actuel.
Quelles ont été vos principales influences ?
Mon premier professeur en Allemagne, York Höller, a beaucoup compté, ainsi que tous les autres grands professeurs que j’ai pu avoir… Les conseils de Peter Eötvös et Beat Furrer m’ont énormément apporté. De grandes figures comme Boulez, Xenakis, Aperghis, Lachenmann, Grisey représentent pour moi de vrais points d’ancrage.
Pouvez-vous détailler votre dernière commande de l’Ircam, Otemo, créée le 17 juin au Festival Agora ?
Otemo est une pièce pour vibraphone et électronique. J’ai composé cette étude à partir d’un programme informatique nommé Antescofo. Il s’agit d’un logiciel de suivi de partition, grâce auquel le musicien est synchronisé avec l’électronique : l’ordinateur suit le musicien. J’ai entamé la composition d’Otemo lors d’un séjour au Japon, il y a plusieurs mois. J’ai été fasciné par l’architecture de cette ville : chaque immeuble semble à part, du fait de sa construction mais aussi de son isolement. Cela crée une mosaïque urbaine étonnamment chaotique. C’est à cela que fait écho ma pièce : elle est basée sur de rapides changements d’objets musicaux et de polyphonie. Au milieu, je fais cohabiter plusieurs monologues. La dernière partie est très virtuose et requiert une extrême synchronisation du musicien et de l’électronique. Mon titre est lui aussi d’inspiration japonaise. Omotesando est l’un de mes quartiers favoris à Tokyo. Otemo propose un nouvel ordre de lettres pour Omote. J’ai dédiée cette œuvre à Daniel Ciampolini, un ancien membre de l’Ensemble intercontemporain.
Vous avez surtout étudié hors de Chypre, votre pays natal. Comment l’expliquez-vous ?
Je pense que les Chypriotes ne se sentent pas très concernés par la musique. L’éducation musicale n’est malheureusement pas d’un très haut niveau. Cela s’explique par l’absence de tradition musicale. Il n’existe aucune institution d’aide à la création musicale, comme l’Ircam. Mais les choses évoluent : la fondation The Pharos Trust organise des concerts de musique classique et moderne d’un très haut niveau. Cela change vraiment la vie musicale à Chypre.
Propos recueillis par Antoine Pecqueur, avec la collaboration d’Elsa Fottorino
Extrait d’Accents n° 39 – septembre-décembre 2009
Photo : Vassos Nicolaou © Maud Chazeau