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Hypermusic Prologue, A projective opera in seven planes

Entretien Par Ensemble intercontemporain, le 15/04/2009

Parra
Hypermusic, prologue est avant tout l’histoire d’une rencontre entre un jeune compositeur espagnol, Hèctor Parra, et une physicienne américaine de renom, Lisa Randall. Lui est fasciné par les recherches de la scientifique sur les nouveaux modèles cosmologiques et la physique quantique. Elle est passionnée par l’opéra et confie un jour au compositeur son désir d’écrire un livret sur « les dimensions cachées « de l’univers qu’envisage la nouvelle et fascinante « théorie des cordes » . Ils travaillent alors à la conception d’un opéra d’un nouveau type qui relie entre eux les mondes de l’art et de la science. Très vite, le plasticien Matthew Ritchie, dont l’œuvre protéiforme tend à distordre les supports finis, rejoint cette aventure artistique hors du commun.
Ce « Projective Opera » porte bien son nom puisqu’il nous projettera au-delà des frontières connues de l’univers, de sa formation et de son « devenir ». Cette exploration prendra la forme d’un dialogue entre un homme et une femme, les deux voix solistes, qui éprouveront ensemble la tension entre le fini et l’infini (l’hyperespace), entre l’expérience de l’ici et du maintenant et la tentation de nouvelles dimensions de l’être et du temps.
Sur l’espace-temps de la scène, créé par Matthew Ritchie, c’est bien l’humain qui donnera sa pleine mesure et tout son sens à l’infiniment grand.
Hypermusic, prologue promet d’être un voyage musical au plus profond de nous-mêmes et de nos propres « dimensions cachées ».
 
Les dimensions cachées de la musique
Entretien avec Hector Parra


Que signifie écrire un opéra aujourd’hui ?
De Monteverdi à nos jours, l’opéra est le genre musical où tous les points de vue de l’expérience humaine confluent avec le plus de force pour créer l’œuvre sonore la plus riche possible.
On pense à l’Art total…
Depuis Wagner, cette idée nous concerne tous, nous ne pouvons pas l’éviter : même en tâchant d’imaginer un anti-Art total, cela serait encore en référence à celui‑ci… Il s’agit certainement d’une pierre de touche dans l’histoire de la musique.
Jusqu’à récemment, l’opéra était dramatique ou symboliste ; vous semblez plutôt incliner vers un hommage à la très ancienne relation, depuis Pythagore au moins, entre la science et la musique.
L’expérience que je souhaite offrir au public est plutôt d’ordre psychophysique, je voudrais qu’il arrive à ressentir presque charnellement la cinquième dimension dont parle Lisa Randall. L’aspect dramatique insuffle la vie au contenu musical davantage qu’au dialogue proprement dit entre les deux personnages ; les chocs d’énergie les plus puissants, les contrastes dynamiques les plus grands et les extrêmes les plus saillants existent dans la musique mais le dialogue entre les deux personnages, deux physiciens, est plutôt symbolique. Le voyage entrepris par la soprano, qui incarne la scientifique décidée à explorer la cinquième dimension, va être riche de contrastes sonores, de couleurs violentes et de polyphonies extrêmes s’entrecroisant, cependant le dialogue qui se noue avec le baryton est assez pur et cristallin : il reflète la sincérité totale de Lisa Randall dans l’écriture du texte. Elle y expose jusqu’à ses propres doutes quant à ses convictions scientifiques de la réalité : le baryton attaque ses théories et la soprano les défend.
Elle nous livre deux aspects d’elle-même…
Oui, elle se dédouble. Le baryton incarne la part conservatrice d’elle-même, celle qui tente de garder son intégrité et son confort, tandis que la soprano incarne celle qui va de l’avant au risque de se briser, la part la plus progressiste. Du reste, Lisa Randall est tout sauf conformiste ! Immense talent dans les mathématiques et la physique, elle a renoncé à une carrière toute tracée mais standardisée pour s’aventurer dans des recherches très novatrices disposant de très peu d’applications expérimentales, si ce n’est au CERN de Genève. En choisissant cette voie, elle incarne pour moi une figure d’opéra du XXIe siècle. Elle est actuelle, ses aspirations sont classiques et universelles : elle cherche à comprendre la réalité physique comme on l’a fait depuis les Grecs, mais de façon avant-gardiste. C’est cette attitude intellectuelle et humaine qui m’a incité à lui demander d’écrire un livret qui traite de la cinquième dimension alors que nous peinons à concevoir autre chose que les trois dimensions de notre quotidien.
Ce livret a-t-il une influence directe sur la composition, s’agit-il plutôt d’une connivence entre des esprits structurellement proches, ou un peu des deux ?
La notion de remise en question de sa propre pensée m’a vivement attiré et j’ai tenté d’appliquer la même démarche pour cet opéra : dans une cinquième dimension très déformée, les sons, y compris la voix, seraient très déformés en suivant des schémas parallèles à ceux de la théorie de Lisa Randall. Davantage qu’une connivence, il s’agit de ma passion pour ce sujet. Lisa Randall. une scientifique cohérente, a écrit elle-même que la passion d’un scientifique doit s’exprimer par une voie séparée de son objectivité et son sens critique ; en revanche, dans le domaine musical, la passion de la connaissance et de la vie peut s’unir intimement au travail structurel. La passion meut le scientifique comme le musicien, mais le premier doit toujours équilibrer l’objectif et le passionnel, tandis que le musicien doit rendre universelles ses passions pour les faire partager au plus grand nombre. L’objectif devenait alors pour moi d’atteindre la grande forme, une architecture sonore née de la passion dans une esthétique qui peut très bien s’inspirer d’éléments scientifiques, de la nature, des arts plastiques, une expérience psycho-acoustique d’une heure, une tentative de vivre l’univers des physiciens les plus avancés. En résumé, la rencontre des deux façons opposées de comprendre l’être humain avec une musique peut-être non apte à résoudre ce conflit m’a amené jusqu’à une rupture.
Cela a-t-il affecté surtout l’écriture -vocale ?
En effet. Après un début presque expressionniste, la voix de la soprano subit peu à peu des modifications jusqu’à une sorte d’hyperlangage qui entrecroise tous les éléments vibratoires, phonatoires et filtrants de l’élocution vocale. Au point culminant de l’opéra, la soprano énonce des équations (que je n’imaginais guère en « voix d’opéra »!) au maximum de l’altération vocale provoquée par le voyage dans une autre dimension. Et lui, le baryton, se rend compte qu’elle s’éloigne. C’est un peu leur évolution vers la maturité, vers plus de connaissance d’eux-mêmes. Il ne s’agit cependant pas d’un opéra psychanalytique ou psychologique ; je refusais aussi de tomber dans l’histrionique, le maladif, l’hystérie. Il n’y a aucune distortion psychologique, la seule distortion vient de la physique même.
Pourriez-vous évoquer l’esthétique de HYPERMUSIC, PROLOGUE ?
Le modèle de Warped Passages (le livre de Lisa Randall) m’a réellement inspiré. Il possède une réelle beauté esthétique dont elle est consciente, ce qui est intrigant pour un musicien. Un compositeur crée aussi des réalités parallèles à la réalité physique que nous ne percevons que d’une manière, même si cette perception s’affine sans cesse depuis Galilée, Newton, Einstein et jusqu’à aujourd’hui.
La notion même de beauté est indissociable d’une pensée toujours plus raffinée…
Oui : plus une description physique est parfaite, plus elle est belle, E=Mc2 par exemple. La musique ne possède pas la capacité de description, cependant elle sera d’autant plus belle qu’elle possèdera un fort équilibre interne et de puissants contrastes. Alfred Brendel a écrit que toute œuvre classique contient une totalité que l’on ne peut découper en divers aspects. L’opéra est le champ musical qui embrasse une totalité : la voix dont elle est le moteur, le texte, toutes les facettes humaines et les couleurs instrumentales s’entrelacent pour créer une réalité parallèle, spirituelle, qui peut nous toucher et nous remettre en question. Je rêvais depuis longtemps d’une telle remise en question, d’un plongeon par l’ouïe, la vue et la raison dans une profonde redéfinition de mon travail.
Comment souhaiteriez-vous conclure ?
Il y a quelque chose de magique dans la musicalité inhérente à l’être humain que je mettrais en parallèle, en termes esthétiques, avec la beauté que les physiciens trouvent dans la nature. Le titre d’une de mes œuvres récentes, « Tentatives de -réalité », exprimait déjà cette idée.
Propos recueillis et traduits par Pierre Strauch



Lisa Randall, physicienne, auteur du livret
Accents : Comment se fait-il qu’un jeune compositeur espagnol, Hèctor Parra, demande à une physicienne d’écrire le livret de Hypermusic, prologue ?
Hèctor m’a envoyé un courriel après avoir lu mon livre intitulé Warped Passages: Unraveling the Mysteries of the Universe’s Hidden Dimensions, destiné à un public plus large que celui des scientifiques. Hèctor a été séduit par les thèses que j’y développe sur l’univers physique et sur la géométrie de l’espace-temps. Il m’a fait part de son idée de traduire certains de ces concepts sous une forme musicale et m’a demandé si je voulais participer au projet.
Plusieurs artistes et créateurs m’ont d’ailleurs contactée après la sortie du livre, avec des réflexions souvent très intéressantes, mais celles d’Hèctor ont particulièrement attiré mon attention. Son idée d’utiliser la musique pour transposer différents courants de pensée m’a d’emblée fascinée par son côté novateur. Je me suis toujours demandée comment faire partager certains concepts mais je n’avais jamais pensé à la musique. Dès qu’Hèctor a lancé ce projet d’opéra très particulier, nous avons commencé à réfléchir aux possibilités qu’il offrait et avons découvert qu’elles étaient nombreuses et fécondes. J’ai beaucoup aimé sa musique et j’ai été emballée par l’idée qu’un traitement électronique pouvait servir à exprimer quelque chose d’aussi excentrique que les nouvelles dimensions de l’univers.

Quel est le thème du livret ?
Il traite des différences entre une personne qui se satisfait du monde tel qu’il est et de la perception qu’on en a aujourd’hui, et une autre qui ne s’en contente pas et veut saisir des dimensions encore ignorées. En un sens, l’œuvre questionne les moteurs de la créativité et de l’exploration de l’inconnu.
L’œuvre est relativement courte – environ une heure – et ne met en scène que deux personnages, incarnant des points de vue opposés. La soprano, compositrice et physicienne, est une personne créative qui s’interroge sur le fonctionnement de l’univers. C’est également le cas du baryton, à la différence près qu’il se satisfait d’explications traditionnelles sur le sujet. Ils sont assez proches au début de l’histoire, mais leurs chemins se séparent lorsque la soprano décide d’explorer une nouvelle dimension afin de trouver des réponses à ses questions et qu’elle découvre qu’elle n’est pas vraiment faite pour le monde qui l’entoure.
Le livret évoque les raisons qui nous poussent à explorer l’inconnu, et ce que cela peut nous apporter. Il traite aussi de la communication entre les êtres, incarnés par ces musiciens et scientifiques qui cherchent à saisir « l’invisible » et tentent de faire partager leurs découvertes.
Pensiez-vous ainsi faciliter l’accès aux nouvelles théories dans le domaine de l’astrophysique ?
Un opéra, quel qu’il soit, n’est pas un ouvrage scientifique. Il n’est pas fait pour exposer des théories. Mais il faut reconnaître que c’est une manière tout à fait passionnante de tenter de transmettre de nouvelles idées. Et cela semble fonctionner : lorsque nous avons commencé, la physique des particules et la « théorie des cordes » étaient des mondes inconnus pour mes compagnons de création, mais ils ont l’air de s’y sentir assez à l’aise à présent !
Hypermusic, prologue explore précisément quelques idées sur les « dimensions supplémentaires » de l’univers sur lesquelles je travaille avec d’autres chercheurs. J’ai d’abord été un peu gênée par le fait que le thème de l’œuvre soit si proche de mon objet d’étude, et puis je me suis rendue compte que c’était un moyen original pour faire connaître ces idées. Les dimensions supplémentaires sont une métaphore merveilleuse de toute exploration. Le monde parallèle dans lequel on pénètre ainsi est plus grand et plus riche. Mais il est également « déformé » – selon le terme technique utilisé pour parler de la courbure de l’espace. Et, grâce au plasticien Matthew Ritchie, nous pouvons aussi découvrir les richesses visuelles qu’il contient.
Inversement, la science offre des pistes de réflexion à la musique. Ça a été formidable de travailler avec Hèctor et de le voir ouvrir sa musique à de nouveaux concepts.
Que tirez-vous de cette nouvelle expérience d’écriture pour vous ?
J’avais beaucoup aimé, pour mon ouvrage scientifique, la capacité que donne l’écriture d’utiliser des métaphores ou de petits récits. La création d’un livret pour un projet d’opéra tel que celui-ci est une chose évidemment bien différente, et j’étais assez hésitante au départ, mais j’ai en fait trouvé très stimulant de devoir me soumettre aux contraintes de ce type d’écriture et de faire en sorte qu’elle converge avec la musique et les images dans lesquelles elle allait s’intégrer. Cela a été une expérience fantastique.
Quelle relation entretenez-vous avec la musique ?
J’aime écouter de la musique, et en particulier de l’opéra. Mais imaginer et écrire pour la musique a été une expérience tout à fait nouvelle pour moi. De fait, Hèctor et moi avions déjà l’idée de réaliser quelque chose ensemble, mais nous voulions d’abord être certains l’un et l’autre que cela pourrait déboucher sur un projet concret, tout à la fois transposable sur scène et pouvant véhiculer nos idées. Hèctor pensait, tout comme moi, que la physique serait le domaine approprié, et je voulais quant à moi que l’histoire soit convaincante et attrayante. J’ai donc dû adapter mon style à la musique d’Hèctor, ce qui s’est révélé particulièrement plaisant. J’ai hâte de voir tout cela enfin réuni dans une œuvre !
 
Matthew Ritchie, plasticien, créateur de la scénographie
Accents : Comment avez-vous conçu votre participation à Hypermusic, prologue ?
Le cerveau humain traite en permanence des informations d’ordre physique, dont font partie les sons et les images reçus de l’univers, et sur lesquels travaille à sa façon Lisa Randall. La tentative de traduire plastiquement ces signaux, visibles et invisibles, m’a particulièrement passionné. Plus qu’une simple transposition visuelle, je proposerai une vision onirique de ces nouvelles découvertes en physique quantique qui sont au cœur de ce projet d’opéra. La musique, les images et le livret occuperont trois zones qui se chevauchent, toutes trois très expérimentales, et je pense que ce sera un défi pour nous tous. Nous travaillerons à rendre l’œuvre à la fois lisible et captivante.

Quel lien faites-vous entre votre travail et le sujet de ce « projective opera » ?
L’ensemble de mon travail a pour objet de définir les informations venant de l’intérieur et de l’extérieur du monde perceptible. Lisa et Hèctor abordent précisément le même sujet, mais à partir de points de vue évidemment très différents. Dans la mesure où l’œuvre est complexe et dense, je pense moins en termes de « liens » qu’à la possibilité d’intervenir sur différents niveaux, qui pourront se compléter mutuellement plus tard dans l’esprit du public.

Quelle relation entretenez-vous avec la musique ?
J’ai travaillé avec des compositeurs sur différents projets, dont récemment une tentative de mettre en application la célèbre formule de Goethe, « L’architecture est de la musique pétrifiée », en créant un édifice dont on joue comme d’un instrument de musique (le projet « Morning Line » à Séville – photo en couverture).

Au regard de votre expérience sur Hypermusic, prologue, pensez-vous que l’art et la science peuvent être associés, et dans quel but ?
Si l’on y réfléchit, l’art et la science travaillent toujours ensemble. A l’instar de la musique, de l’architecture et de la philosophie, ils constituent différentes expressions d’un projet humain global dont le principal objet est de tenter de répondre à la question  formulée par Leibniz : « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Nous nous demandons ensuite ce qu’est cette chose et comment la décrire et la vivre. Avec un peu de chance, en rapprochant des activités très différentes, nous pouvons tirer profit « d’accidents heureux », d’homologies fondamentales, et encourager la spéculation intellectuelle sans compromettre les méthodologies de chaque discipline. Même si nous ne débouchons pas toujours sur un résultat tangible, l’expérience vaut certainement la peine d’être menée.
 

Un projet en résonance avec la Fondation d’entreprise Hermès
La Fondation d’entreprise Hermès a décidé d’accompagner l’Ensemble intercontemporain dans l’aventure de la création. Sa directrice, Catherine Tsekenis, nous raconte l’histoire de cette rencontre entre deux démarches de création, chacune inscrite dans un passé exceptionnel tout en étant tournée vers la modernité.

Le mécénat est ancré dans l’histoire -d’Hermès, quelle en est l’origine ?
En effet, l’engagement d’Hermès fait partie intégrante de l’identité de cette maison et s’est transmis comme tel. Ce mécénat est né d’une tradition familiale humaniste et des préoccupations de ses dirigeants, soucieux d’entraide et de rencontres. Hermès est une maison de création, ce qui favorise naturellement la proximité avec les artistes ! Sans se nommer, cet engagement s’est affirmé avec discrétion depuis plusieurs décennies. Il a pris de l’ampleur sous l’impulsion de Jean-Louis Dumas (NDR : président jusqu’en 2006) tant d’un point de vue solidaire que culturel, avec par exemple l’ouverture d’espaces d’exposition dédiés à l‘art contemporain à travers le monde, ou de salons de musique via des commandes à des artistes comme François Raffinot, Daniel Larrieu, Akram Khan ou encore Nicolas Frize.

Et la Fondation d’entreprise Hermès voit le jour…
La Fondation est née fin avril 2008 d’une volonté d’amplifier les actions de mécénat, de les structurer et de les rendre plus visibles. Fidèle aux engagements historiques de l’entreprise, en étroite relation avec ses métiers et ses valeurs, la fondation soutient des projets solidaires et culturels. Elle aidera notamment la création, avec la prise de risques que cela comporte !

Quels axes d’intervention ont été choisis ?
Nous avons défini deux grands domaines d’intervention, la culture et la solidarité, et deux axes pour chacun. Hermès est marqué par une tradition de transmission orale, nous accordons donc une attention particulière à l’éducation. Le second volet solidaire se concentre sur l’enjeu environnemental (biodiversité et savoir-faire locaux), qui est une urgence incontournable pour la planète. Pour ce qui est de notre implication culturelle, nous apporterons un soutien spécifique à la valorisation des savoir-faire d’exception et à leur préservation : avec plus de quatorze familles de métiers, la grande richesse d’Hermès est la diversité et la haute qualité de son savoir-faire artisanal. Enfin, par notre soutien à la création, nous avons à cœur de cultiver ce dialogue entre des racines historiques fortes et les formes d’expressions les plus contemporaines. Je considère que le mécénat doit être fédérateur, voire festif ! Il est un témoin privilégié de notre responsabilité civique et un puissant vecteur de curiosité.

Une curiosité audacieuse, et des projets très variés !
Des choix éclectiques, c’est vrai. Nous nous ouvrons aussi bien au design avec la création du Prix Émile Hermès, qu’aux arts plastiques avec désormais huit lieux d’expositions, ou encore le programme H Box, une salle de visionnage nomade, qui de musée en musée présente des vidéos commandées à de jeunes artistes. Sans oublier bien sûr les artistes de la scène : musiciens et danseurs… Il y a une évidence naturelle pour Hermès à s’associer à cette quête du geste juste et pertinent : comme l’artisan revient sans cesse sur son travail pour faire un bel objet, le musicien ou le danseur doit passer par une longue phase d’apprentissage pour acquérir cette dextérité. L’œuvre d’art naît aussi grâce à cette intelligence du corps.

Pourquoi justement avoir choisi d’apporter votre soutien à la musique contemporaine, et en particulier à l’Ensemble intercontemporain ?
C’était une évidence pour Hermès de continuer à soutenir les arts actuels. Il était donc naturel d’accompagner aussi la musique d’aujourd’hui et les inventions de demain. D’autant que les expérimentations musicales actuelles sont fondées sur l’innovation et la quête de nouveaux outils, réflexions également très présentes dans l’artisanat. Outre sa qualité reconnue, l’Ensemble intercontemporain nous a séduit par son souci de s’engager auprès de jeunes compositeurs, de faire connaître la musique contemporaine, tout en maintenant vivant un imaginaire musical collectif issu du passé. Nos deux maisons partagent ce profond respect du passé, en étant résolument tournées vers l’avenir.

Un avenir qui se concrétise avec deux projets phares de l’Ensemble inter-contemporain en 2009 : Hypermusic, prologue d’Hèctor Parra en juin, et Interzone d’Enno Poppe en décembre.
Deux aspects de ces projets nous ont en effet particulièrement intéressés : Hypermusic, prologue nous a impressionnés par sa réflexion sur le geste et son incidence sur la musique. Enfin, tout comme les employés de la maison Hermès collaborent pour un même projet artistique, ces deux projets font appel à la pluridisciplinarité, et répondent à ce besoin actuel des artistes de collaborer, en abolissant les rapports de hiérarchie entre les arts.

Ce mécénat exemplaire a récemment été récompensé par le titre de « Grand -mécène » par le ministère de la Culture et de la Communication. Que représente pour vous cette distinction ?
Nous en sommes extrêmement fiers ! Cette reconnaissance vient couronner un mécénat discret et historique. Elle est un encouragement pour la Fondation à poursuivre ses engagements.

Propos recueillis par Marie-Laëtitia Moreau
Extrait d’Accents n° 38
– avril-août 2009
Photo : Hector Parra © Joan Braun