Ce concert entièrement consacré au maître de la musique spectrale, Gérard Grisey (1946-1998), est traversé de passages en tout genre : passage d’un temps à l’autre, du monde des hommes à celui des animaux, de l’antiquité à la modernité, de la vie à la mort. Des passages dans la continuité, à l’image des processus hypnotisants mis en œuvre par Grisey dans l’écriture du temps musical. Dans son chef-d’œuvre Vortex Temporum (1994-96), temps des hommes, temps des baleines et temps des oiseaux et des insectes s’entremêlent dans un véritable « tourbillon temporel ».
Composée alors que Vortex Temporum est encore en chantier, Stèle (1995) est un voyage dans le temps : pour faire « émerger le mythe de la durée », Grisey convoque l’image « d’archéologues découvrant une stèle et la dépoussiérant jusqu’à y mettre à jour une inscription funéraire ».
Enfin, dans une veine pareillement funéraire, Quatre chants pour franchir le seuil a tout d’une œuvre testament, même si elle n’a pas été conçue comme telle : c’est la dernière œuvre achevée du compositeur, décédé prématurément en 1998.Gérard Grisey nous livre ici à une méditation musicale sur la mort, composant involontairement son propre Requiem. « Une œuvre incroyable, selon la soprano Sophia Burgos qui accompagnera pour l’occasion les musiciens de l’EIC, une musique expressive et hautement dramatique, au livret inoubliable ». Une œuvre dont l’écriture microtonale recèle des trésors de finesse, tout en nous réservant des « explosions d’énergie ».
Chaque chant contemple le rapport à la mort d’une civilisation, à travers la mise en musique d’un texte poétique. Le premier mouvement, intitulé La mort de l’ange, s’inspire d’un texte d’un ami poète du compositeur, Christian Guez-Ricord, lui aussi trop tôt disparu en 1988. Le deuxième, La mort de la civilisation, puise à la source du Livre des morts égyptien quand le troisième, La mort de la voix, s’attache aux deux uniques vers qui nous soient parvenus d’Erinna, poétesse grecque du VIe siècle. Le dernier volet, enfin, évoque carrément La mort de l’humanité, au travers de l’épopée mésopotamienne de Gilgamesh… Espérons toutefois que cette mort ne soit que métaphorique et que ces Quatre chants signent, comme le dit si justement Sophia Burgos, « un nouveau commencement ». Un « passage » vers le monde d’après.
Distribution-
Sophia Burgos soprano
Dimitri Vassilakis piano
Gilles Durot, Samuel Favre percussions
Ensemble intercontemporain
Matthias Pintscher direction -
Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris
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