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« Alice nous enseigne le pouvoir de l’imaginaire et la liberté. » Entretien avec Sofia Avramidou, compositrice.

Entretien By Suzanne Gervais, le 01/03/2024

Inspirée par les mythes et la littérature, la compositrice grecque plonge une nouvelle fois dans l’univers de Lewis Carroll et les aventures d’Alice, avec une création spécialement conçue pour le jeune public, De l’Autre côté d’Alice, pour soprano, quatre musiciens, électronique et… marionnettes, qui sera créée le 10 mars à la Philharmonie de Paris.

Pourquoi avoir choisi De l’autre côté du miroir, le deuxième volet des aventures d’Alice au pays des merveilles, chef-d’œuvre de la littérature de l’absurde ?
Je suis, de manière générale, très inspirée par la littérature : les mythes, les poèmes, les contes de fée sont de merveilleux matériaux pour ma musique. Et quelle héroïne, Alice ! C’est un projet qui est principalement basé sur le deuxième livre d’Alice, moins connu que le premier tome, mais tout aussi incroyable. Alice nous enseigne le pouvoir de l’imaginaire et la liberté. J’ai été inspirée par beaucoup d’éléments dans ce livre. À la première lecture, on a l’impression d’un conte pour enfant, mais pas du tout. Les métaphores et les allégories sont légions, le symbolisme aussi, et les niveaux de lecture sont nombreux, quasiment philosophiques. Les deux livres sont d’ailleurs des objets de recherche bien connus pour la psychanalyse et l’histoire a clairement une dimension socio-politique, sans époque précise, ce qui la rend universelle !

Comment vous êtes-vous emparée, musicalement, de tous ces éléments fantastiques ?
Je souhaite montrer la profonde solitude dans ce voyage initiatique vers l’âge adulte. Alice est un personnage qui ne cesse d’évoluer au fil de l’histoire, elle forge son caractère critique et accède à une forme d’émancipation et de liberté. Je cherche à traduire la dramaturgie de l’histoire d’Alice dans ma musique, sans tomber dans une œuvre purement narrative, mais plutôt en jouant sur les atmosphères. C’est une œuvre pour clarinette, violoncelle, contrebasse et percussions. Il y aura aussi une soprano, donc cinq musiciens, finalement ! Je traite la voix comme un instrument plutôt qu’un protagoniste, elle n’a pas de rôle défini ou plutôt peut être tour à tour plusieurs personnages, dont Alice. Un alliage de timbres qui offre un large champ des possibles. Mélanie Le Moine signe le livret de l’œuvre, dont elle a su retenir la quintessence : le livre est énorme et la pièce dure moins d’une heure ! Je peux aussi compter sur la connexion avec les musiciens de l’Ensemble intercontemporain : l’intensité de leur engagement est rare et très précieuse pour les compositeurs, elle nous permet de nous dépasser.

C’est la première fois que vous travaillez avec des marionnettes sur scène ?
La présence des marionnettes de l’Institut international de la marionnette de Charleville-Mézières aux côtés des musiciens apporte une dimension fantastique à la musique. Leur présence révèle toute la palette d’émotions de la partition ! Elles ont un rôle poétique, stimulent l’imagination et suscitent le rêve. Mais, en même temps, elles ont aussi quelque chose d’effrayant et étrange, comme venues d’un autre monde. Plus que tout, l’utilisation de marionnettes apporte une dimension très pédagogique et théâtrale, notamment pour le jeune public, à la frontière entre notre monde et les territoires de l’imaginaire. On peut communiquer énormément d’émotions à travers les marionnettes.

Quels ont été vos axes de travail avec la metteuse en scène Aurélie Hubeau ?
Nous avons bien sûr énormément parlé du livre, essentiellement de sa dimension psychanalytique et politique. Mais ce que nous avons retenus est avant tout les thèmes du passage à l’âge adulte, du questionnement de son identité, des sujets particulièrement actuels…

Photos (de haut en bas) : © Sandrine Expilly / © EIC