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De haut vol. Entretien avec Anders Hillborg, compositeur.

Entretien By Michèle Tosi, le 07/09/2022


Pour le premier concert de la saison, le 14 septembre à la Cité de la musique, on tourne nos regards (et nos oreilles) vers le ciel pour découvrir Skysong la nouvelle et bien nommée création du compositeur suédois Anders Hillborg…  


Anders, votre musique a été jouée par les plus grands orchestres internationaux.  Pour autant, le public français semble encore peu vous connaître. Quelle expérience avez-vous avec la scène française ?
Elle est encore très mince à ce jour. À part Beast Sampler que l’Orchestre National de Lyon a donné en 2018, aucune de mes grandes pièces n’ont été programmées en France ; exceptée peut-être l’œuvre pour chœur Mouyamoun, ma pièce la plus souvent jouée et dans le monde entier.

Dédiée à Vincent Meyer un pilote d’aviation chevronné (et le commanditaire de votre création), Skysong, votre nouvelle œuvre pour grand ensemble multiplie les sensations liées au vol dans les airs. Elle est articulée en quinze mouvements parfois très courts, instaurant une sorte de trame descriptive sur les différents états du ciel (tempête, sérénité, courants, etc.). Les éléments et autres phénomènes de la nature se retrouvent-ils souvent dans votre musique ?
Certainement, mais comme je le dis souvent, je tiens à minimiser les informations extra-musicales dans mes œuvres pour laisser la musique s’exprimer par elle-même. Cependant, dans Skysong comme dans Eleven Gates (2005-2006), les sous-titres peuvent faire partie du contenu musical, en évoquant certaines images plus ou moins surréalistes comme, par exemple, « Descendre à travers des troupeaux de créatures célestes bavardes », « Explosion de fanfares dans une splendide cacophonie » – ou encore, dans Eleven Gates : « Des pianos jouets à la surface de la mer », « Soudain dans la chambre aux miroirs flottants », etc.

 

Quels sont vos modèles ou maîtres en matière de musique et de composition ?
Je n’ai pas vraiment de modèle ni de maître mais Ligeti a eu une énorme influence à mes débuts, ce qui est très évident dans ma musique. Les grandes figures comme Xenakis, Stockhausen, Berio ont compté pour moi à certaines étapes de mon travail ; et si je considère l’axe Schoenberg-Stravinsky, je penche évidemment du côté de Stravinsky !  

Vous parlez, au sujet de votre musique, d’incidences avec la musique électronique : le jeu des dynamiques peut-il évoquer le mouvement des potentiomètres sur la console ?
J’appelle cela « des épingles à cheveux » – fade in/fade out ; oui, c’est comme si vous utilisiez les faders sur une console. Lorsque j’ai demandé aux musiciens de le faire, j’ai pu apprécier la différence entre ce qui est joué par un instrumentiste et ce que je peux obtenir avec la machine.

Que recherchez-vous exactement à travers ce geste récurrent ?
Ma musique fonctionne essentiellement sur le principe d’une texture musicale qui fusionne de manière transparente avec une autre. Le geste dont vous parlez est distribué aux divers pupitres de l’ensemble de manière à éviter les ruptures dans la texture qui ruineraient le flux et la densité que je veux obtenir.

 

Y a-t-il d’autres aspects de votre écriture qui viennent de l’univers électronique ?
Oui, l’harmonie spectrale par exemple : le studio de musique électronique est pour moi avant tout un laboratoire où je peux faire des recherches à ce sujet.  


Il vous arrive de collaborer avec des artistes de la musique populaire – avec la chanteuse et autrice suédoise Eva Dahlgren par exemple. Est-ce une volonté de votre part d’effacer voire d’abolir les frontières entre les deux mondes ?

Je ne pense pas vraiment en termes de frontières ni de crossover ; mes origines sont dans la musique pop, et le “classique” et la “pop” s’entrecroisent constamment dans ma composition.

L’une de vos compatriotes suédoises, Lisa Streich, partage avec vous le programme de ce concert. Connaissez-vous son travail ?
J’ai entendu quelques-unes de ses œuvres et je trouve qu’elle est très intéressante. Elle a un sens aigu du son et l’on sent que son écriture est fondée sur une solide musicalité.

Photos (de haut en bas) : © Mats Lundqvist / © Faber / DR