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Portraits en « clair-obscur » 2/6 : Fausto Romitelli, compositeur

Portrait Par Jéremie Szpirglas, le 26/11/2014

Romitelli_DxOFP
Les 5 et 6 décembre 2014, deux nouvelles soirées « Turbulences » nous emmèneront explorer les territoires musicaux en « clair-obscur » proposés par le jeune compositeur et digital performer Marko Nikodijevic. Découverte de l’univers musical de ces deux concerts avec 6 portraits de compositeurs au programme. Aujourd’hui portrait du compositeur italien Fausto Romitelli (1963-2004)
« Je crois que la musique populaire a changé notre perception du son et établi de nouvelles formes de communication. Longtemps les compositeurs de musiques savantes, les “derniers défenseurs de l’art”, ont refusé tout métissage avec des musiques dites “commerciales”. L’énergie sans limites, l’impact violent et visionnaire, la recherche acharnée de sonorités nouvelles capables d’ouvrir les “portes de la perception” : ces aspects du rock le plus innovant semblent rejoindre les soucis d’expression de certains compositeurs contemporains. »
D’un bout à l’autre de son œuvre, hélas prématurément interrompue en 2004 par la maladie, Fausto Romitelli pousse ce raisonnement jusqu’à l’extrême dans un discours résolument engagé, en même temps que distancié, parfois délirant et plein d’humour. Le jeu théâtral de l’interprète joue souvent un rôle aussi important que la « matière à forger », comme il se plaît à appeler le son.
Compositeur non formaliste, Romitelli ne craint pas l’hybridation. S’il cite pour modèles, outre Franco Donatoni qui fut son professeur, György Ligeti, Giacinto Scelsi, Karlheinz Stockhausen, Pierre Boulez et Gérard Grisey, il n’hésite pas à décloisonner la frontière entre musique savante et populaire. Distorsion, saturation, harmonie « sale » et inspiration du rock psychédélique font partie de son univers musical. Il cite parmi ses héros musicaux des groupes de rock noise comme Sonic Youth ou des artistes électro comme Aphex Twin, Dj Spooky et Scanner. Les titres de ses œuvres témoignent des expériences limites qu’il aspire à retracer, citons notamment Acid Dreams & Spanish Queens (1994) ou EnTrance (1995). Pour le cycle Professor Bad Trip I, II et III (1998-2000), il s’inspire des écrits du poète Henri Michaux dédiés à l’exploration des drogues hallucinogènes – la mescaline en particulier –, et reproduit dans sa musique le délire puis le tassement des sens qui s’ensuit. En 2003, le vidéo-opéra pour soprano et ensemble An Index of Metals (2003), conçu avec le vidéaste Paulo Pachini, figure le testament musical de Fausto Romitelli, en même temps que la synthèse et le sommet de son langage musical. L’œuvre de Fausto Romitelli est tout à la fois mélancolique et puissante, sombre mais non dénué d’humour.