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La création prend souvent des tours inattendus, à l’instar de cette rencontre improbable entre la Sérénade KV 361, dite Gran Partita de Mozart et une toute nouvelle œuvre du compositeur italien Aureliano Cattaneo, La nuit sombre. Plus surprenant encore, cette pièce pour deux voix et ensemble spatialisés a été conçue pour « s’entrelacer » avec cette Gran Partita singulière à bien des égards.   

Les circonstances de la création de cette dernière sont d’ailleurs encore assez méconnues. On sait en revanche qu’elle appartient au genre des musiques d’harmonie, nées dans le bouillonnement musical du Vienne des années 1780 et censées accompagner les repas et réceptions. En guise de Tafelmusik, les orchestres d’harmonie tenaient prêt un immense répertoire de chansons et de danses à la mode et jouaient selon le bon vouloir des princes aussi bien les grands airs du dernier opéra à la mode que des divertimenti composés spécialement à cet effet. Mozart lui-même évoque cette habitude dans le dernier acte de Don Giovanni, l’occasion pour lui de citer son propre Non più andrai extrait des Noces de Figaro. La Gran Partita doit du reste beaucoup à l’écriture opératique de Mozart ainsi qu’en témoigne le magnifique Adagio dont la mélodie passe insensiblement d’un instrument à l’autre à la manière d’une déclaration d’amour collective.

Lorsque, en vue de répondre à la commande de l’EIC, Aureliano Cattaneo a réécouté cette œuvre à la croisée des genres, lieu de rencontre entre le langage galant du jeune compositeur viennois et ses aspirations révolutionnaires, il a immédiatement eu « le sentiment d’être immergé dans un espace sonore qui [le] ramenait inlassablement vers mon point de départ ». « La Gran Partita, dit-il, révèle un monde sonore riche et haut en couleurs mais, dans le même temps, et en raison de sa structure à la fois formelle et harmonique, c’est aussi une œuvre fermée et répétitive. Alors que je songeais à ces idées d’histoire dans l’histoire (ma pièce s’entrelaçant à celle de Mozart), de continuité formelle et de retour inlassable à la case départ harmonique, j’ai immédiatement pensé, comme par association d’idées, au roman de Jan Potocki, le Manuscrit trouvé à Saragosse. J’ai donc décidé de diviser l’Ensemble en quatre groupes éparpillés dans l’espace : deux groupes se partagent la scène, tandis que, aux balcons, on trouve deux sopranos qui, chacune d’un côté, chantent avec un instrument à vent, respectivement une flûte et un trombone alto. On peut voir dans ce duo comme une représentation symbolique des « hermanos Zoto » (les frères Zoto), les deux pendus près desquels Alphonse van Worden se réveille encore et encore dans le roman. Ou pas. »

Ainsi la nuit sombre est-elle, en même temps qu’intimement liée à la Gran Partita, une œuvre autonome, destinée à « ouvrir un espace sonore qui nous permettrait d’écouter la Gran Partita dans un contexte différent. Et même si on n’y trouvera nulle citation, on pourra parfois y entendre des échos, des ombres ou des songes venus de Mozart… »

Cast
  • Peyee Chen soprano
    Rinnat Moriah soprano
    Ensemble intercontemporain
    Matthias Pintscher direction
  • Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris

    Avec le soutien de la Fondation Ernst von Siemens

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