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De la Terre à l’éther. Entretien avec Nina Šenk, compositrice.

Entretien By Jean-Christophe Montrency, le 16/10/2019

Régulièrement jouée par l’Ensemble intercontemporain, Nina Šenk présentera sa nouvelle œuvre pour ensemble, T.E.R.R.A II, pendant les Donaueschinger Musiktage, légendaire festival de création musicale. La jeune compositrice slovène éclaire les multiples dimensions, artistiques et mêmes écologiques, de cette commande conjointe de l’EIC et de la SWR.

 

Nina, T.E.R.R.A II est précédée d’une T.E.R.R.A, créée par le Trio Salzedo pour France Musique début 2019 : quel est le lien entre ces deux pièces ?

Le lien est très étroit, puisque T.E.R.R.A II a été composée sur la base de T.E.R.R.A. Je voulais cependant adopter une approche nouvelle, et la pièce d’ensemble est un mélange des idées originelles de T.E.R.R.A auxquelles s’ajoutent de nouvelles sections, mais suivant le même principe directeur.

Prenant pour point de départ votre trio, comment avez-vous envisagé l’écriture pour ensemble ?

J’apprécie d’écrire pour l’ensemble, bien que mon approche pour cette pièce m’ait amenée à bien plus de questionnements que je ne l’aurais cru. Car j’aime l’orchestration, j’aime jouer avec ces couleurs si variées, et tous ces petits détails de structure, mais, justement parce que le matériau de la première pièce était très soigneusement choisi pour les interactions au sein du trio, le passage du trio à l’ensemble a été un défi nouveau.

L’avez-vous imaginé sur mesure pour l’EIC, que vous connaissez désormais assez bien ?

Je ne peux nier que composer pour l’Ensemble intercontemporain est toujours un plaisir, mais cette joie se mêle à l’énorme respect que j’ai pour cette institution et pour ses musiciens, et les attentes sont toujours fortes quant à ce que je peux fournir.

Quel est le projet de T.E.R.R.A II ?

Tout comme T.E.R.R.A, T.E.R.R.A II est née sous la forme de cinq miniatures mais le discours s’enchaîne de manière fluide, sans arrêt entre les mouvements. Le matériau d’un mouvement se poursuit dans le suivant, ménageant des transitions naturelles. J’ai voulu éviter les ruptures entre les miniatures, tout en préservant le sentiment des cinq éléments (eau, air, terre, feu, le cinquième, dont la description varie selon les cultures, étant ici « l’aether ») comme colonne vertébrale de la partition.

L’objet n’est pas d’imiter les différents éléments, mais plutôt de se concentrer sur leurs points communs ainsi que l’équilibre qui s’établit entre eux, spécialement entre les quatre premiers éléments. La partie consacré au cinquième élément se distingue un peu des autres, tant par son matériau que par sa structure — notamment en raison des visions variées dudit cinquième élément (ainsi, par exemple, Aristote le nomme « aether », une substance immarcescible et divine, tandis que, dans la culture chinoise, ce cinquième élément est le métal).

Le titre et le sujet de cette pièce suggèrent une préoccupation quant à l’état et l’avenir de notre planète…

De manière générale, T.E.R.R.A II est une structure délicate et complexe, en constante évolution et recherche d’équilibre entre les différents instruments (verticalité) et les différents éléments qui la composent (horizontalité). Cette description s’applique évidemment également à notre planète et à son délicat et complexe équilibre, que l’on néglige voire ignore délibérément.

 

 

Photos (de haut en bas) : © Ciril Jazbec / © EIC