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Musique au Musée d’Orsay, entretien avec Pierre Korzilius

Entretien By Véronique Brindeau, le 15/09/1998

En relation avec la grande exposition Mallarmé qui s’ouvre au Musée d’Orsay en septembre prochain, trois ateliers et un concert démontreront la fertilité de l’héritage mallarméen pour les com­positeurs d’aujourd’hui. Pierre Korzilius, responsable des activi­tés musicales au Musée d’Orsay, situe pour nous la place de la musique dans cette institution, qui accueille les solistes de l’Ensemble intercontemporain pour la quatrième fois.
 
Comment la musique trouve-t-elle sa place au Musée d’Orsay ?
Le musée d’Orsay a été conçu comme Musée des Arts pour la période 1848-1914. La musique y a donc sa place au même titre que la peintu­re, la sculpture, l’architecture, les Arts décoratifs, le cinéma, et, à partir de cette saison 1998-1999, le théâtre. La programmation, spécialisée sur la période « Orsay », reflète bien cette intégration, avec chaque année entre quarante et soixante manifestations musicales. Les réci­tals et la musique de chambre sont donnés à l’auditorium, d’une capacité de 350 places, dont l’acoustique intime, très claire, est parfaitement adaptée. Mais nous pouvons aussi accueillir des formations plus importantes, orchestres de chambre ou chœurs, dans la Salle des Fêtes, l’ancienne « salle de bal » de l’hôtel d’Orsay, d’une capacité de 320 places.
En dehors des concerts, nous organisons également des ateliers autour d’un thème de la musique du XIXe siècle, comprenant des extraits d’œuvres, com­mentés par un musicologue ou un musicien. Nous proposons des concerts pour un public scolaire, avec trois orientations : l’organo­logie (la flûte, le saxophone, le piano de 1 à 6 mains…), des thématiques (musiques d’Espagne) ou des commandes spécifiques comme les contes musicaux. Enfin nous collaborons avec le Centre de formation lyrique de l’Opéra National de Paris, avec lequel nous produisons des opéras ou opérettes en un acte de la période qui nous concerne.
 
Le Musée d’Orsay est à l’initiative de la commande de deux œuvres musicales à l’occasion de l’exposition Mallarmé : comment ces créations s’intègrent-elles dans la programmation d’un Musée voué à la période 1848-1914 ?
Il n’a jamais été exclu, au contraire, de sortir de notre période si le contexte musicologique le justifie ! Par exemple, pour la saison prochaine, le cycle « transcriptions et transformations » implique la présence d’œuvres antérieures à notre période, comme les symphonies de Beethoven transcrites par Liszt. Le centenaire Mallarmé consti­tuait une excellente occasion pour faire entrer quelques compositeurs vivants dans le répertoire d’Orsay. L’influence du poète sur la musique du XXe siècle est en effet considérable : non seulement par les œuvres ayant recours aux textes eux-mêmes, mais surtout dans la conception de l’Œuvre, du Livre, que l’on retrouve chez Boulez, et de façon moins explicite chez Stockhausen.
 
L’exposition Mallarmé est donc conçue selon une approche interdisciplinaire : s’agit-il là d’une volonté constante du Musée ?
Nous cherchons toujours à établir des liens entre les différentes formes artistiques. Par exemple, lors de la récente exposition du peintre danois Hammershoi, la diffusion de l’intégrale des films de Dreyer a permis de faire découvrir au public le lien esthétique entre les deux artistes. Quant aux com­mandes d’œuvres musicales, que nous souhaitons poursuivre dans l’avenir, nous nous efforçons toujours de leur trouver un fondement musicologique et artistique suffisamment fort.
 
Comment le choix des œuvres s’est-il opéré ?
En 1989, l’exposition « Mallarmé et la danse » avait déjà donné l’occasion d’explorer le répertoire autour de Debussy et Ravel. Dans le cycle « Mallarmé : prolongements », nous avons préféré changer d’orientation et profiter de l’occasion pour marquer l’influence de Mallarmé sur la musique du XXe siècle. Notre souhait était de comman­der deux œuvres à des compositeurs d’esthétiques différentes, afin de montrer la diversité de l’influence mallarméenne. L’œuvre de Denis Cohen associera interprètes et électronique, avec des fragments du Coup de dés. Celle de Sylvano Bussotti s’inspire du Monologue d’un faune – la version antérieure du Prélude à l’Après-­midi d’un Faune – qui comporte des indications scéniques. Il s’agira donc d’un programme de scène pour flûte, violon, piano, voix de basse et récitant. Entre ces deux concerts, précédés d’un ate­lier-concert animé par Ivanka Stoïanova, deux autres ateliers seront consacrés à la Troisième Sonate de Pierre Boulez, et à Refrain et Klavierstück XI de Stockhausen. L’exposition se terminant en janvier, les derniers ateliers se situeront immédiatement après la fin de l’exposition. Un double « prolongement », en quelque sorte…
 
Propos recueillis par Véronique Brindeau le 30 avril 1998