« Ce qui m’a tout d’abord attiré dans 4.48 Psychosis c’est sa forme, plus que son contenu psychologique. Je n’ai pas voulu écrire un opéra sur la dépression. C’est le texte qui m’a inspiré, plutôt qu’un contexte plus large ou, disons, le contenu politique. J’aime travailler avec les textes depuis de nombreuses années et la présence de la voix n’a cessé de croître dans mes compositions. Dans ce texte se mêlent réalité et imaginaire, présent et souvenirs. Ce sont des couches qui se superposent que j’ai essayé de traduire de différentes manières avec notamment des voix préenregistrées, le chant, le texte récité, etc. »
Philip Venables
Lors de sa création à Londres en 2000, 4.48 Psychosis de Sarah Kane fait scandale. À chaque nouvelle pièce depuis sa première, Blasted en 1995, la dramaturge anglaise donne un formidable uppercut à la bienséance et à la morale. Ce n’est pas pour rien que son théâtre a gagné le qualificatif de « théâtre coup de poing » (« In-Yer-Face » en version originale) : crudité des sujets, indécence de la mise en scène, irruption inopinée de la guerre dans le quotidien… le style divise, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais une nouvelle étape semble franchie avec 4.48. Certains critiques y voient une impudique lettre de suicide — une lecture au reste plus que légitime : dans la pièce, 4h48 est l’heure à laquelle la protagoniste prévoit de suicider. Et la dramaturge se suicidera elle-même, quelques semaines après en avoir achevé l’écriture, le 20 février 1999, à l’âge de 28 ans.
C’est donc de cet incandescent et tragique monologue féminin, que s’est saisi, en 2016, le compositeur anglais Philip Venables auquel le festival d’Automne consacre un portrait cette année. Et, pour en respecter l’esprit, il a mis ce qu’il faut d’indécence ravageuse dans cet opéra très singulier. Explosant le discours entre six chanteuses, pillant indifféremment chefs-d’œuvre impérissables et autres musiques populaires, il laisse au verbe toute sa radicalité, tout en suggérant l’enfermement aussi bien physique que psychique de son anti-héroïne.
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Gweneth-Ann Rand Gwen
Robyn Allegra Parton Jen
Karen Bandelow Suzy
Samantha Price Claire
Rachael Lloyd Emily
Lucy Schaufer Lucy
Ensemble intercontemporain
Matthias Pintscher directionElayce Ismail mise en espace et lumières
Sound Intermedia design sonore
Nicolas Berteloot, Emmanuelle Corbeau, Martin Nicaud ingénierie sonore
Pierre Martin vidéo -
Coproduction Ensemble intercontemporain, Philharmonie de Paris, Festival d’Automne à Paris
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Aux confins de l’opéra. Entretien avec Gweneth Ann Rand, soprano. Entretien
Le 16 décembre, à la Cité de la Musique, l’Ensemble intercontemporain donnera la première parisienne de « 4.48 Psychosis », opéra de Philip Venables d’après la pièce éponyme de Sarah Kane. Une pièce « coup de poing », la dernière de la dramaturge, qui mettra fin à ses jours quelques semaines après l’avoir achevée, en 1999. La soprano britannique Gweneth Ann Rand faisait partie du casting originel de l’opéra, pour sa création en 2016. De nouveau de l’aventure, elle nous livre son regard sur cet opéra singulier.
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Au son du souffle de mon amour. Entretien avec Philip Venables, compositeur. Entretien
Avec 4.48 Psychosis le compositeur anglais Philip Venables propose de découvrir une œuvre contemporaine forte, déchirante, qui évoque les affres de la solitude et de la dépression. Adaptation de la dernière pièce de l’autrice anglaise Sarah Kane, l’œuvre de Venables confirme avec force que l’opéra peut évoquer avec éloquence et pertinence les maux de la société actuelle.