Une saison 2025-2026 à forte dimension scénique.
Édito
C’est avec un grand plaisir que j’aborde cette saison 2025-2026 : elle est à l’image du projet que j’avais conçu pour l’Ensemble intercontemporain à mon arrivée au poste de directeur musical. Les talents individuels et collectifs de l’Ensemble y sont mis en valeur, la création dialogue sans cesse avec le répertoire, et la palette des horizons esthétiques fait écho à la richesse de notre monde contemporain — comme en témoigne notre concert d’ouverture de saison à la Philharmonie de Paris le 19 septembre. Son programme autour du thème de la ville juxtapose trois esthétiques on ne peut plus différentes : le fameux City Life, chef-d’œuvre de Steve Reich et commande de l’Ensemble intercontemporain voilà presque 40 ans ; Légendes urbaines, promenade new-yorkaise de Tristan Murail, grande figure de la musique française ; et Graffiti — qui figure par ailleurs sur notre prochain album consacré à Unsuk Chin qui sortira en janvier 2026.
L’un des chantiers qui me tenaient le plus à cœur en arrivant à l’Ensemble était de travailler sur des projets scéniques, et notamment à la création d’opéras contemporains. Nous avons bien avancé sur ce chemin, avec pas moins de sept spectacles… Parmi eux, trois opéras. D’abord, le 3 octobre à la Cité de la musique, La Main gauche de Ramon Lazkano : un opéra de chambre retraçant la dernière décennie du compositeur Maurice Ravel.
Le 22 novembre, Calixto Bieito intègrera totalement le public à son dispositif scénique pour réinventer sa mise en scène d’Orgia d’Hèctor Parrá (photo ci-dessous), que nous avions déjà créé ensemble en 2023 à Bilbao. Cette reprise se déroulera dans le cadre de notre millésime 2025 d’EIC&Friends — dont Calixto Bieito est l’invité d’honneur. Calixto imaginera également à cette occasion une véritable « exposition de performances musicales » pour les Sequenze de Luciano Berio — une expérience aux limites de la musique et du théâtre, que n’aurait certainement pas renié le compositeur, dont nous fêterons à cette occasion le centenaire de la naissance.
L’EIC n’est pas une maison d’opéra, pas plus que la Philharmonie de Paris, mais cela ne doit pas nous empêcher d’imaginer la « musique en scène », comme le suggère Olivier Mantei, directeur de la Philharmonie, à laquelle nous devrions être pleinement intégrés dans le courant de l’année 2026.
Le troisième opéra sera à découvrir du 28 janvier au 3 février 2026 au Théâtre du Châtelet, dans le cadre de notre partenariat renouvelé : L’annonce faite à Marie de Philippe Leroux, d’après le texte éponyme de Paul Claudel. Ce projet me ravit d’autant plus que je connais la musique de Philippe depuis mon adolescence : c’est l’un des premiers compositeurs que j’ai programmés, à l’âge de 19 ans ! Cette production sera l’occasion pour la cheffe d’orchestre Ariane Matiakh de faire ses débuts avec l’Ensemble.
C’est une autre cheffe, Yalda Zamani, qui dirigera, en alternance avec moi-même, l’autre spectacle que nous donnerons au Théâtre du Châtelet, du 7 au 19 octobre : un projet de relecture un peu fou de Hamlet de William Shakespeare par le metteur en scène et cinéaste russe en exil Kirill Serebrennikov, pour lequel nous avons passé commande d’une nouvelle partition à Blaise Ubaldini.
S’agissant d’expérience scénique, je ne peux pas ne pas mentionner ici notre In between Spaces le 24 avril. Véritable jeu sur la gémellité spatiale de la Salle des Concerts de la Cité de la musique, y dialogueront Lara Morciano, avec une grande pièce que nous lui avons commandée, et son professeur Ivan Fedele, dont nous donnerons Ali di Cantor, un hommage à Bach pour quatre groupes instrumentaux spatialisés. On pourra également y entendre une œuvre de Marco Stroppa ainsi que la création de Sirènes, un concerto pour deux bassons de Philippe Schoeller !
J’ai parlé un peu plus haut du centenaire de la naissance de Luciano Berio — mais ce sont en réalité trois centenaires que nous fêtons cette saison. D’abord la fin de celui de Pierre Boulez (photo ci-dessous) le 12 décembre 2025, avec une petite pépite dont ce sera la première exécution depuis sa création en 1958 : Poésie pour pouvoir, sur un poème d’Henri Michaux.
Outre le concert consacré à ses Sequenze, mises en scène par Calixto Bieito, le centenaire Berio sera l’occasion de réentendre, le 24 octobre à la Cité de la musique, ses Folk Songs par une soprano de grand talent, Sarah Aristidou, entourées de quatre compositrices : Eva Reiter, Sara Glojnaric, Ni Zheng et Zara Ali. Pour ces deux dernières, les pièces jouées seront des commandes de l’EIC.
Dernier centenaire, et non des moindres : celui de György Kurtág. Nos solistes, qui le connaissent si bien, pour beaucoup personnellement, lui consacreront un concert-portrait chambriste, le 17 mars, qui reviendra sur ses origines musicales. Puis, le 5 juin, nous reprendrons un de ses chefs-d’œuvre, fruit d’une commande de l’Ensemble intercontemporain : Messages de feu Demoiselle R.V. Troussova.
Un dernier projet me tient particulièrement à cœur : le programme du 21 mai à la Cité de la musique. Je l’ai imaginé comme les regards croisés d’un compositeur et d’une compositrice, porté chacun sur une œuvre d’art qui l’inspire. Ce sont deux très grands artistes : en l’occurrence l’Italienne Francesca Verunelli (photo ci-contre), qui offre une vision très originale de la musique, toujours avec une grande force expressive et poétique, et le Français Hugues Dufourt, dont l’œuvre a été pour moi un véritable choc esthétique. Ce qui est impressionnant avec Hugues Dufourt, c’est qu’il a su dépasser ses origines liées à l’école spectrale pour engager une métamorphose esthétique, notamment depuis La Horde d’après Max Ernst en 2022. Cette capacité à remettre en cause son propre langage, encore et encore, même à plus de 70 ans, témoigne d’une force de caractère hors du commun.
C’est ce genre de chocs esthétiques que j’aime provoquer, en compagnie des merveilleux solistes de l’Ensemble intercontemporain.
> Découvrir la saison 2025-2026 <
Photos (de haut en bas) : Pierre Bleuse © Stéphane Ouzounoff ; Orgia © E. Moreno Esquibel – Teatro Arriaga ; Pierre Boulez, 1958 © Ingi Paris / akg-images ; Francesca Verunelli © Rui Camillo / EvS-Musikstiftung/laif
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