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2024-25 : une saison anniversaire !

Boulez 100, Édito Par Pierre Bleuse, le 26/08/2024

Pierre Bleuse, directeur musical de l’Ensemble intercontemporain, présente la nouvelle saison 2024-25, marquée par les nombreuses célébrations de l’anniversaire du centenaire de la naissance de Pierre Boulez. 

Le 26 mars 2025, Pierre Boulez aurait eu 100 ans. Nous avons donc voulu faire de cette saison 2024-2025 une saisonanniversaire, qui célèbre celui qui fut à la fois un immense compositeur, chef d’orchestre et pédagogue, mais aussi le concepteur et fondateur de  l’Ensemble intercontemporain.

Le 6 janvier, nous aurons l’honneur et la joie de donner le coup d’envoi des festivités à la Philharmonie de Paris, avec, de surcroit, une de nos soirées « EIC & Friends ». Initié l’an passé en compagnie de la violoniste Patricia Kopatchinskaja, nous reprenons cette année ce format de concert au parfum de festival en compagnie de deux anciens solistes qui nous font le plaisir de revenir parmi nous à cette occasion : le pianiste Pierre-Laurent Aimard et le violoncelliste Jean-Guihen Queyras. Deux anciens collègues qui ont depuis connu une carrière solo flamboyante, et avec lesquels les échanges seront des plus riches, à n’en pas douter.

Nous jouerons Boulez, intensément, intensivement et passionnément — mais pas uniquement, puisque nous avons voulu ces célébrations à son image : nous présenterons donc ses sources d’inspiration (Debussy, la Seconde École de Vienne) sans jamais perdre de vue l’avenir, en mettant son œuvre en perspective avec celles de compositeurs et compositrices des générations actuelles. Les célébrations de cet anniversaire nous emmèneront aussi en tournée, en France, en Europe, avec des projets de concerts au Japon et en Corée du Sud.

La présence de notre fondateur se devine, en filigrane, tout au long de la saison, dès le concert d’ouverture à la Philharmonie de Paris. Certes, son nom n’apparait nulle part au programme du 13 septembre, mais j’y dirigerai la Symphonie n°4 de Gustav Mahler, proposant une nouvelle instrumentation réalisée par un de nos compositeurs phares, cette saison : Michael Jarrell (photo ci-dessous). Si j’ai demandé à Michael de s’emparer de cette Quatrième de Mahler (nous lui avons aussi passé commande d’une nouvelle œuvre qui revisite l’effectif de cummings ist der dichter, qui sera créée au cours du concert anniversaire, le 28 mars), c’est pour nous rappeler le musicien complet qu’était Pierre Boulez. Son enregistrement des Symphonies de Mahler avec le Philharmonique de Vienne fut un tournant dans sa carrière.

Pierre Boulez disait qu’une œuvre musicale a plusieurs caractéristiques : sa forme, ce qui fait sa substance, l’intelligence des motifs et de sa construction, et sa partie plus expressive, voire sensuelle. Une interprétation doit trouver un équilibre entre les deux : l’exécution doit être claire, pour avoir une réelle résonance, mais ne jamais oublier ce qu’il y a d’inexplicable, de charnel, de spirituel dans la musique. Si on la prive de l’un ou de l’autre, la musique ne vit pas. C’est un enseignement qui m’inspire encore aujourd’hui. De même, lorsque je considère la vie de Pierre Boulez, je découvre un homme qui n’a cessé d’avancer, d’évoluer, avec une grande ouverture à l’autre. C’est aussi avec cette vision qu’il a créé l’Ensemble intercontemporain.

Ce sont donc toutes ces facettes de sa personnalité que je voudrais montrer au cours de cette saison : le compositeur, bien sûr, mais aussi le chef, le créateur d’institution, l’auteur, etc., dont la richesse est aussi dans le parcours. C’est pourquoi nous jouerons cette saison ses grandes œuvres – Répons, sur Incises – mais aussi des partitions plus méconnues comme Polyphonie X, créée à Donaueshingen en 1951 puis retirée du catalogue.

Nos retours récurrents aux origines de notre répertoire agissent aussi comme un rappel, puisque la palette sonore que nous y déployons est essentielle pour rendre justice à l’œuvre de nos contemporains, comme Rebecca Saunders, Clara Iannotta (photo ci-dessous) ou Francesco Filidei, à qui nous consacrons à chacun.e un programme en forme de portrait. Car j’ai voulu cette année mettre l’accent sur ces concerts monographiques, seuls à même de présenter les diverses facettes d’une compositrice ou d’un compositeur, mais aussi, pour nous en tant qu’ensemble, d’approfondir notre connaissance de leurs univers musicaux.

Avec les étudiant.e.s du Conservatoire de Paris, parmi lesquels les solistes de l’ensemble NEXT qui rassemble les jeunes musicien.ne.s du cursus de l’Artist diploma – Interprétation Création (un cursus animé, du reste, par des solistes de l’EIC), nous proposerons également, le 10 décembre à la Philharmonie de Paris, un Grand Soir consacré à un grand génie du XXe siècle, que Boulez a si ardemment défendu, Edgard Varèse, avec une quasi intégrale de son œuvre pour orchestre.

La transmission et la pédagogie sont en effet l’un des piliers du projet de l’Ensemble intercontemporain tel que dessiné par Pierre Boulez, et c’est pourquoi nous continuons cette saison à suivre des compositeurs et compositrices de la jeune génération, comme Sofia Avramidou ou Bastien David. Accompagner leur cheminement et leur maturation esthétiques est à la fois une de nos missions, et un émerveillement sans cesse renouvelé face à ces nouveaux horizons qu’ils nous ouvrent.

La compositrice grecque Sofia Avramidou, justement, a accepté avec enthousiasme de se lancer dans une folle aventure proposée par Frédéric Maurin, directeur artistique de l’Orchestre National de Jazz : des Jeux imaginés à six mains (à Sofia et Frédéric se joint l’inclassable Andy Emler) qui réunissent sept solistes de l’EIC et sept de l’ONJ. Une œuvre hybride qui laissera une large place à l’improvisation à découvrir le 18 octobre à Châlons-En-Champagne.

Ce vent de folie soufflera également sur les nombreux programmes de musique soliste ou chambriste que nous porterons cette année, cette variété des effectifs étant, là encore, une volonté de Pierre Boulez. Et je suis certain qu’en passionné de peinture qu’il était, il serait ravi de constater que son collègue, le Catalan Hèctor Parra (photo ci-dessus), a l’intention  de s’emparer de l’œuvre d’un peintre aussi radical que Joan Miró pour imaginer un nouveau concerto pour trompette, ensemble et électronique, en création lors du dernier concert de la saison à la Philharmonie de Paris, le 26 juin. Un concert d’ailleurs tout à fait particulier, au programme entièrement conçu autour de la couleur bleu. 

Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

Photos (de haut en bas) : Pierre Bleuse © Sandrine Expilly / Pierre Boulez, Tokyo, 1995 © Philippe Gontier / Michael Jarrell © Maurice Weiss / Clara Iannotta © Astrid Ackermann / Hèctor Parra © Amandine Lauriol