See menu

Rendant hommage au Concours International de Piano d’Orléans dont il a été l’un des premiers lauréats, en 1994, Hidéki Nagano (photo ci-dessus), pianiste à l’Ensemble intercontemporain, a imaginé un programme naturellement centré sur le répertoire pour piano ménageant cependant des ouvertures vers d’autres instruments et d’autres cultures. Programme qu’il interprète lui-même, en compagnie de cinq autres solistes de l’Ensemble. 

Dans le contexte de ce concours, qui s’attache à mettre en valeur les étroits réseaux de correspondances qui se tissent dans les répertoires des XXe et XXIe siècles, c’est le piano de Claude Debussy qui nous servira de fil rouge. Un piano qui évoque bien souvent ici le ciseau du sculpteur ou la palette d’un peintre. Ainsi Danseuses de Delphes (qui ouvre le premier livre des Préludes, composé entre 1909 et 1910) s’inspire-t-elle d’un fragment de colonne du temple d’Apollon à Delphes, tandis que Cloches à travers les feuilles, Et la lune descend sur le temple qui fut et Poissons d’or, qui constituent les trois volets du deuxième recueil d’Images (1907), sont exactement cela : des images musicales. La première a été composée après avoir littéralement entendu les cloches d’une petite église jurassienne. Les deux autres tournent leurs regards vers une imagerie asiatique que Debussy appréciait particulièrement (au moins autant qu’il la fantasmait) — il mit notamment en exergue de sa symphonie La Mer la célèbre Vague d’Hokusai. En miroir, le japonais Toru Takemitsu fera le chemin inverse, comme on l’entend dans Rain Tree Sketch II, miniature pianistique en hommage à Olivier Messiaen, créée du reste à Orléans il y a tout juste dix-huit ans, quelques mois après le décès du maître.

Cheminant entre ces tableaux impressionnistes, on croisera le dieu Pan en émoi devant une naïade dans Syrinx, toujours de Debussy, qui renvoie aux inspirations antiques déjà entendues dans les Danseuses de Delphes. On entendra des chants d’oiseaux sublimés par Olivier Messiaen, notamment dans son Quatuor pour la fin du Temps — lequel, composé et créé en captivité en 1941, puise son imaginaire dans l’Apocalypse selon Saint Jean —, ainsi qu’une clarinette qui « bugue », tel un vulgaire ordinateur (Bug de Bruno Mantovani, 1999).

On croisera aussi Vincent Van Gogh « lu » par Tristan Murail, spectral et néanmoins digne héritier la musique très « imagée » de Debussy (Une lettre de Vincent, 2018), mais aussi Iannis Xenakis, dont le même Murail a revisité les obsessions mathématiques pour lui offrir ses Attracteurs étranges en guise de cadeau pour son 70e anniversaire (en 1992). Enfin, Dérive 1 de Pierre Boulez (1984) viendra conclure en forme de point d’orgue élidé ce concert aux résonances harmoniques puissamment poétiques.

Cast
  • Hidéki Nagano piano
    Sophie Cherrier flûte
    Alain Billard clarinette
    Hae-Sun Kang violon
    Éric-Maria Couturier violoncelle
    Samuel Favre percussion

Media