L’espace n’est pas un hochet, un supplément d’âme pour compositeurs en mal de ressources, mais un véritable élément structurant. Nunes le visionnaire nous le dit, comme Kagel aussi, à sa manière, déjà, il y a plus de 20 ans. Mais l’espace est vaste ! Intérieur, hors champ, acoustique, symbolique, comment apprécier sa force et sa pertinence dans la musique qui s’écrit aujourd’hui ? Il nous a semblé qu’interrogeant le théâtre, nous saisirions mieux cette « nouvelle » dimension musicale. André Bazin, dans son Qu’est-ce que le cinéma ?, s’interrogeait sur la fonction du cadre au cinéma, autrement dit sur les différences entre les modes de perception de l’espace mis en jeu par ces deux arts. Espace du contigu et du continu au cinéma, où le cadre et le hors cadre se raccordent virtuellement à l’infini dans la conscience du spectateur. Espace « centrifuge » auquel s’opposerait l’espace « centripète » du théâtre, qui suppose une convergence essentielle (les coulisses n’appartiennent pas à l’événement théâtral). Une telle confrontation tente d’articuler deux genres où l’espace est indexé à la vision. Qu’en est-il lorsque la comparaison doit prendre en compte des perceptions d’ordre différent ? Toute analogie entre les genres a ses limites : désignant les reflets, les échos, elle traduit aussi les écarts, les différences. Mais elle a cette vertu de mettre l’esprit en mouvement.