“Phoenix Eye, Dragon Eye” de Yang Song.
Éclairage
Entre tradition et réinvention, Yang Song explore le geste musical comme lieu de passage entre les cultures. Dans Phoenix Eye, Dragon Eye, pour violoncelle, vidéo en temps réel et électronique, la compositrice interroge ce que le mouvement, l’espace et l’image révèlent de la musique, en faisant dialoguer les héritages du guqin chinois et de l’écriture occidentale contemporaine. Une œuvre à découvrir le 8 janvier à la Cité de la musique dans le cadre d’un nouveau Grand soir numérique.
Née en 1985 en Mongolie intérieure, Yang Song s’est formée au Conservatoire central de musique de Pékin avant de venir en Europe en 2016 pour y terminer ses études de composition. Son catalogue d’une trentaine d’œuvres comprend déjà deux quatuors à cordes ainsi qu’un opéra de chambre, The Envoy, témoignant de son vif intérêt pour la voix et la scène. Désormais installée à Paris, elle ne cantonne toutefois pas son inspiration à la seule musique occidentale de tradition écrite. En 2023 par exemple, elle compose Heterometric Patterns, dans laquelle elle fait appel à l’Umngqokolo, un art vocal traditionnel africain. Et la tradition musicale de son pays natal reste pour elle un vaste creuset à explorer et exploiter. Si elle ne compose plus que très rarement pour les instruments chinois, cela ne l’empêche pas de continuer à nourrir sa musique d’éléments liés à la tradition chinoise, sans pour autant qu’il s’agisse de lutherie, ou même de gamme pentatonique.
Dans sa pièce Phoenix Eye, Dragon Eye pour violoncelle, geste, live vidéo et électronique, réalisée en 2021 dans le cadre du Cursus de l’Ircam, Yang Song s’intéresse à l’aspect abstrait du geste instrumental comme interface, ou comme outil de transduction entre deux cultures différentes – du guqin, cithare traditionnelle chinoise (proche du koto japonais et du gayageum coréen), au violoncelle, et vice-et-versa. Au passage, la compositrice va chercher au-delà de la musique chinoise en utilisant des éléments de Sanjo coréen ou de chant diphonique de Mongolie.
« Quand on joue du guqin », dit Yang Song, « un certain nombre d’éléments esthétiques entrent en jeu, comme le mouvement ou le geste, en plus des sons produits. L’écriture du temps et des événements musicaux reposent entièrement sur un répertoire de gestes, motifs et positions des mains dont la notation se fait en caractères chinois. Par exemple, le titre « L’œil du Phoenix, l’œil du Dragon » est tout simplement une traduction littérale de la notation de deux des gestes techniques du répertoire du guqin. »
Dans la pièce, le violoncelle – en tant qu’instrument emblématique de la musique occidentale – est placé à l’horizontale devant le violoncelliste. En le faisant ainsi pivoter de 90°, l’association avec l’instrument asiatique se fait plus manifeste. D’autre part, la vidéo, qui fait partie intégrante de la composition, accentue la focalisation de l’attention sur le geste, en permettant de le détailler et en en proposant différents points de vue. Les images, captées en temps réel, sont juxtaposées à des séquences préenregistrées et font fonction, dans l’écriture, de plusieurs voix distinctes. L’électronique agit en parallèle ou en contrepoint des actions et de la présence de l’interprète. « Ce n’est qu’en revenant à l’abstraction du geste musical, en opérant consciemment ce questionnement des racines de la tradition, que le lien peut se faire entre les deux traditions et syntaxes », conclut la compositrice. « Cette pièce est ainsi ma contribution à ce défi d’importance, qui est sans l’ombre d’un doute l’ambition de nombreux compositeurs contemporains asiatiques. »

À découvrir sur Youtube : Phoenix Eye, Dragon Eye de Yang Song
Photos (de haut en bas) : © Quentin Chevrier / source Youtube
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