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Un fabuleux voyage des Canyons aux étoiles…

Instant M. By Matthias Pintscher, le 27/02/2018

C’est la tournée événement de ce début d’année 2018. Du 16 au 24 mars, de Paris à Lucerne, en passant par Bruxelles et Luxembourg, l’EIC et l’Ensemble Alumni du festival de Lucerne seront les guides-musiciens d’un grand voyage musical Des canyons aux étoiles… Un chef-d’œuvre monumental d’Olivier Messiaen, enrichi d’une création visuelle d’Ann Veronica Janssens, que nous présente Matthias Pintscher dans son instant M.

Voir Bryce Canyon (photo ci-dessous) de ses yeux, parcourir cet immense amphithéâtre dressé de rouges cheminées de fée, est une expérience extraordinaire, inoubliable. Je peux en témoigner. C’est une leçon de modestie en même temps que de majesté. Je ne sais pas si je serais moi-même capable d’en tirer une pièce d’orchestre, mais je comprends l’attrait formidable que les lieux ont pu exercer sur une personnalité aussi empreinte de spiritualité que celle d’Olivier Messiaen. C’est tellement grandiose et transcendant ! Au reste, ce gigantisme se retrouve dans les proportions monumentales de ce chef-d’œuvre, ainsi que dans le son, massif, dans lequel il est taillé : c’est un son qu’il faut travailler à la manière d’un sculpteur !

Bryce Canyon, Utah

Des Canyons aux étoiles… m’apparaît comme une composition hautement rituelle : ordonnancée de manière presque systématique. Il n’y a dans ma remarque rien de péjoratif. Seulement si l’on voulait résister à cet ordonnancement parce qu’on le trouverait trop strict, on ne parviendrait jamais à profiter de la substance de l’œuvre. C’est l’une des créations de Messiaen dont je me sens le plus proche peut-être parce que j’ai le sentiment qu’il s’y abandonne. Il est effectivement des moments, dans la vie créatrice d’un compositeur, où le matériau musical, dès lors qu’on l’a choisi, semble se développer tout seul. Le matériau semble vous prendre par la main et vous guider, et non le contraire. Si on le laisse faire, si on s’abandonne à son flux, la musique parait se composer d’elle-même. C’est ce que je ressens profondément ici.

Olivier Messiaen à Bryce Canyon

Je pense que Messiaen concevait des Canyons aux étoiles… comme sa « traduction » musicale de son expérience face aux canyons. À l’inverse cette musique fait immanquablement naitre des images dans l’esprit de l’auditeur, des images intérieures qui n’ont nul besoin d’un support visuel. En faisant appel à la plasticienne Ann Veronica Janssens, ce n’est donc pas ce genre de support visuel redondant, que nous recherchons. C’est surtout une forme additionnelle qui accueille en même temps qu’elle élargit l’œuvre musicale, afin que l’auditeur ne sente pas totalement envahi par la masse de son et qu’il puisse s’ouvrir à d’autres émotions, libérer son imagination.

Ann Veronica Janssens : yellowbluepink (2015)

Ann Veronica Janssens est une artiste très particulière, une véritable poète. Elle ne travaille pas réellement avec une projection d’images, mais avec des lumières et de la brume. Sa démarche est incroyablement modeste. Contrairement à certains, qui calqueraient leurs idées sur la musique de Messiaen, sans tenir compte de ses spécificités, elle cherche son inspiration dans la partition. Elle aspire à trouver elle aussi la « musique » des canyons…
Quand on sait que cette œuvre met aussi en avant quatre de nos solistes, Hidéki Nagano au piano, Jean-Christophe Vervoitte au cor, Samuel Favre au glockenspiel et Gilles Durot au xylorimba, on comprendra l’impatience que j’éprouve à l’idée d’inventer et de vivre tous ensemble cette expérience hors norme.

 

Photos (de haut en bas) : © Franck Ferville ; Bryce Canyon © Deposit photos ; Olivier Messiaen à Bryce Canyon, 1972 / DR ; Ann Veronica Janssens : yellowbluepink (2015) / artificial fog, artificial light, colour filters / dimensions variables – Courtesy: the artist and Wellcome collection, London / Photo © Guy Corbishley/Alamy Live News