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Hautbois solo : László Hadady

Portrait By Véronique Brindeau, le 02/07/1997

László Hadady est soliste dans la nouvelle œuvre de Roger Reynolds, On The Balance of Things, avec une chorégraphie de Lucinda Childs. Portrait d’un musicien exigeant.
 
Le jour de ma première répétition à l’Ensemble intercontemporain, je me suis assis, j’ai regardé la partition. Il n’y avait pas une note, seulement un texte en anglais. J’arrivais de Hongrie, je ne parlais pas un mot d’anglais. Stockhausen a tout expliqué en français. Je ne parlais pas français non plus, mais hongrois, allemand et russe, et je me suis dit : ça ne marchera jamais ! La pièce s’appelait Stop. C’est la première que j’ai jouée à l’Ensemble, en septembre 1980, cela fait… dix-sept saisons maintenant.
Mon grand défaut, c’est d’être perfectionniste. Je ne suis jamais content avec moi-même, avec ce que j’ai envie de réaliser. Il faut essayer jour après jour de jouer un peu mieux, pour atteindre un but qu’on ne rejoindra jamais. Je crois qu’il faut élargir au maximum le champ de vision de l’histoire de la musique. L’enseignement est très important, et la technique n’en représente qu’un aspect. Le contact avec chaque élève est fondamental pour former sa personnalité, lui donner envie de juger ce qu’il entend et le mener dans la bonne voie.
 
Certains s’arrêtent à Bartók et Stravinsky, et pour d’autres, l’histoire de la musique commence avec Boulez, Maderna ou Stockhausen. C’est très malheureux ! Il faut abattre ces murs et ces frontières. Par exemple, au Conservatoire de Paris, on peut passer son prix de musique de chambre sans avoir joué de sonate de Bach ou de Vivaldi : il y a une section baroque, isolée, et une autre, qui joue tout le répertoire excepté la musique baroque. C’est complètement absurde ! J’ai fait du solfège – sans jamais m’ennuyer –, et du piano de six ans à vingt et un ans. Mais il y a une telle école de piano en Hongrie qu’on n’ose plus devenir pianiste, et j’ai commencé le hautbois vers douze ans. C’est un instrument vraiment très difficile au début, il faut beaucoup de temps pour obtenir une bonne sonorité. Surtout en Hongrie : on avait de mauvais instruments, de mauvaises anches. C’est sans doute vrai de tous les instruments, mais celui-là demande beaucoup de sacrifices, à cause des matériaux. Je suis allé récemment dans le sud de la France pendant une semaine chercher mes roseaux pour les années à venir. Hier, j’ai travaillé cinq heures avec la machine à gouger ! On peut acheter les anches dans le commerce, mais je préfère les faire moi-même. C’est un travail vraiment méticuleux, au centième de millimètre, et il faut bien choisir le roseau. C’est déjà une préparation matérielle avant d’aborder la musique et la technique, qu’on apprend de son professeur, des collègues qu’on rencontre. Par chance, les instruments français sont les meilleurs du monde, on les joue partout et beaucoup de hautboïstes viennent à Paris les acheter : il n’y a qu’un pas à faire pour les rencontrer.
La prochaine pièce où j’ai un rôle soliste dans l’Ensemble est une création de Roger Reynolds. C’est très intéressant. Une partition souvent difficile, mais très bien écrite pour l’instrument. Je crois que, par rapport à mes exigences personnelles, je vais pouvoir la réaliser. Il faut beaucoup de temps pour préparer. Quand je joue une sonate de Mozart, cela représente deux ou trois ans de travail avant que je ne la programme. Je viens de jouer une œuvre romantique italienne particulièrement difficile que j’ai travaillée cinq ans sans jamais oser la jouer. Je ne me suis décidé qu’à l’occasion des soixante-dix ans de mon maître de hautbois : je veux toujours des défis, et toujours les réussir !
 
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Propos recueilli par Véronique Brindeau
Extrait d’Accents n°3 – juillet 97-janvier 1998