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Virement de bord. Entretien avec Ramon Lazkano, compositeur.

Entretien Par David Verdier, le 12/03/2019

Samedi 16 mars à la Philharmonie de Paris, l’Ensemble intercontemporain présentera la nouvelle œuvre de Ramon Lazkano, Ziaboga. Un titre énigmatique qui méritait bien quelques éclaircissements… 

Ramon, quelle est la signification du titre de votre création, Ziaboga ?

Ziaboga est le terme basque qui désigne, lors des régates, le virement de bord, la manœuvre, complexe, pour naviguer dans le sens opposé. C’est aussi un terme qui évoque pour moi les plis de la surface à l’océan, ainsi que deux attitudes antagoniques : la liberté de pouvoir changer de cap et la possibilité du retour au point d’origine. Je l’ai utilisé en référence à plusieurs aspects techniques et formels de la pièce : le flux et la mobilité bien sûr, dans un sens métaphorique, mais aussi par rapport à des points d’ancrage temporels et à l’élaboration de certaines contraintes liées à la polyphonie.

Pour nombre de vos œuvres, vous tirez votre inspiration d’œuvres d’arts plastiques. Est-ce une simple inclination ou cela procède-t-il d’une volonté de transposer à la composition des techniques propres à d’autres disciplines artistiques ?

S’il est vrai que j’ai longtemps travaillé en faisant référence aux arts plastiques et surtout à la sculpture, je dois dire que la littérature, la poésie et le cinéma sont également des piliers qui m’ont permis de mieux comprendre mon attitude face à la composition et à la musique. Je me souviens que les premières annotations et les premiers échanges au sujet de Ziaboga se référaient à L’emploi du temps de Michel Butor et à ses techniques narratives… En ce sens, oui, il ne s’agit pas que d’une « source d’énergie », mais avant tout d’un ensemble de ressources, qu’elles soient littérales ou métaphoriques.

Vous avez récemment écrit, à propos de Ziaboga  « qu’opposer une résistance devient une attitude face à la composition », ce qui fait penser à une citation du philosophe allemand Walter Benjamin : « L’art consiste à résister, par la forme et rien d’autre, contre le cours du monde qui continue de menacer les hommes comme un pistolet appuyé contre leur poitrine. »

Deux lectures de cette citation s’imposent immédiatement à moi : l’aspiration à se prolonger au-delà de la pulsion de mort, et la volonté de transformer le monde en proposant, malgré lui, de l’insoupçonné. Le choix des mots « résister », « menace », « pistolet » nous place cependant dans une confrontation exaspérée. On résiste en s’opposant à l’inexorable, et on résiste aussi en provoquant l’inattendu. Peut-être parlons-nous d’une ultime forme de liberté. Benjamin dit aussi : « L’homme préfère obéir à la règle obscure et énigmatique des coutumes et des proverbes, plutôt que de se laisser prêcher toute la dureté, toute la peine de la vie ».

 

 

 

Photos et illustrations : portrait de Ramon Lazkano © Franck Ferville / Page de la partition de Ziaboga © Maison ONA