Afficher le menu

Helmut Lachenmann : Concertini

Éclairage Par Helmut Lachenmann, le 15/10/2018

Avec Helmut Lachenmann il faut s’attendre à une révision de tout le règne musical : depuis la production même des sons (ce qui fut fait avec sa « musique concrète instrumentale » dans les années soixante), au rituel du concert lui-même, comme dans ces Concertini (2005) au programme de la soirée du 26 octobre à la Philharmonie de Paris. S’il promet bien par ce titre une collection de situations « concertantes », Lachenmann ne manquera pas de tenir cette promesse « tout au plus de façon irritante », afin d’éclairer de manière toujours nouvelle tout ce qui résonne et se meut dans le son.

Au mieux, les titres des œuvres, guère autrement que les commentaires, induisent en erreur. Concertini promet une collection de situations « concertantes », mais tient cette promesse tout au plus de façon irritante. Il y a certes ici des moments solistes : pour la guitare, la harpe, le tuba, etc., pour un sextuor à cordes soliste également (avec emprunt à mon dernier quatuor, Grido), voire pour des types de gestes ou des formes d’articulations qui seraient – sit venia l’horrible verbo – « trans-instrumentales », tel à certain moment un « concerto gratté », des « solos » pour mouvements dans l’espace, pour résonances, pour suites d’accords ou figures rythmiques (avec une visite rendue à Mouvement, œuvre dont l’histoire est liée à mon amitié avec l’Ensemble Modern), et ainsi de suite.

 

Mon modèle compositionnel des années soixante, l’idée d’une « musique concrète instrumentale », qui inclut dans le processus de l’écriture et thématise même l’aspect énergétique de l’événement sonore produit, sa « corporéité  », ne devait plus – s’il fallait le garder vivant – se limiter à dénaturer le son instrumental. Dès le début, il s’est modifié, s’est ouvert, pour ne pas se saisir uniquement de ce qui ressemblait au bruit ou à un son déformé, mais également d’éléments non transformés, familiers, « consonants » au sens large  ; il intègre tout autant ce qui a trait au rythme, des gestes, des éléments mélodiques même, des intervalles, des harmonies, dans l’idée d’éclairer ainsi de manière toujours nouvelle tout ce qui résonne et se meut dans le son, au sein de contextes changeants.

 

Traitement « concertant » veut dire ici que l’on accompagne, que l’on déguise, que l’on recouvre, découvre, contrepointe ou déforme tout de qui nous envahit et tout ce qui arrive en douce quand on se met à travailler sur ce type de catégories sonores rassemblées ad hoc – ses propres égarements, si l’on veut, dans un labyrinthe que l’on a développé soi-même, fût-il ordonné par une structure temporelle rigoureuse – comme un sourcier qui se promènerait dans son propre jardin en friche, à la recherche de…

 

Photos (de haut en bas) : © Philippe Gontier / © Franck Ferville