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Tristan Murail : “Une Lettre de Vincent”.

Éclairage By Tristan Murail, le 14/11/2024

Le compositeur français Tristan Murail revient sur l’origine d’Une Lettre à Vincent, pièce pour flûte et violoncelle créée en 2018, au programme du concert du 21 novembre à la Cité de la musique.   

Une Lettre de Vincent fait partie du cycle Portulan, un cycle de pièces de musique de chambre, qui comporte actuellement huit pièces écrites pour diverses combinaisons instrumentales parmi un ensemble de huit musiciens. Les portulans étaient d’anciens atlas maritimes, souvent ornés d’enluminures, qui traçaient les côtes et indiquaient les principaux repères au navigateur médiéval alors dépourvu de boussole. Chaque pièce du cycle se réfère à quelque chose, lieu, voyage, lecture, expérience esthétique, de particulière signification pour moi.

Le point de départ de la Lettre de Vincent est un souvenir d’enfance : un livre que l’on m’avait offert sur Van Gogh (photo ci-contre), où, en plus de reproductions de ses œuvres, on pouvait trouver quelques-unes des lettres qu’il écrivait à son frère Theo, qui lui envoyait régulièrement de l’argent, des toiles, des couleurs. J’avais été très impressionné, et ému, autant par la peinture, que par le contenu de ces lettres, à la fois naïf, poignant, suppliant, parfois désespéré, souvent assez décousu, sautant d’une idée à l’autre. Beaucoup plus tard, j’ai retrouvé ces lettres, en particulier un petit opuscule contenant les dernières lettres, celles qu’il écrivit depuis Auvers-sur-Oise, pendant les derniers mois de sa vie, et ces émotions d’enfance sont revenues.

La pièce débute par un court motif de quatre notes, qui évoque les mots “Mon cher Theo”, par quoi commencent toutes les lettres de Vincent. Ce motif va se transformer tout au long de l’œuvre, et se mêler à divers autres éléments – en particulier des échanges très rapides entre harmoniques de flûte et de violoncelle, selon la technique dite de hoquet, métaphore d’une technique picturale chère à Van Gogh, qui consiste en l’accumulation de petites touches de peinture. J’habite aujourd’hui dans cette Provence que Van Gogh avait choisie pour y trouver sa palette colorée. Certains soirs, la pleine lune se lève derrière les grands cyprès du jardin…

Photos DR