Unraveling Ravel.
ÉclairageD’abord créé en version de concert le 30 août à Saint-Jean-de-Luz dans le cadre du Festival Ravel, La Main gauche de Ramon Lazkano sera présenté en version scénique le 3 octobre 2025 à la Philharmonie de Paris. Un opéra mis en scène par Béatrice Lachaussée, qui en dévoile ici les lignes de force : la lutte entre l’effondrement du corps et la persistance fulgurante de l’esprit créateur.
Matière et mémoire
La Main gauche explore la lente dépossession physique de Maurice Ravel, atteint d’une maladie neurologique non diagnostiquée qui l’a privé de l’expression musicale, bien qu’il continuait de composer mentalement. Tandis que son corps se dérobe, son esprit demeure vif, prisonnier d’une sorte de cage invisible. Cette tension entre l’effondrement corporel et la persistance de la conscience est au cœur de la mise en scène. Pour en traduire la violence, j’ai imaginé un espace scénique fragmenté, à l’image du morcellement vécu dans sa chair. Des projections, telles des éclats de mémoire ou des flash-backs, ponctuent les scènes. Elles rendent sensible l’effort de résistance intérieure — et rappellent que, malgré tout, l’esprit de Ravel reste pleinement vivant à travers sa musique.
« Unraveling Ravel » — ou démêler le génie de l’humain
Si Ravel est bien la figure centrale de cet opéra, le propos dépasse son seul destin. Il interroge ce lien vertigineux entre la puissance créatrice — presque surhumaine — et la vulnérabilité profonde de la condition humaine.
Le génie de Ravel s’exprimait par ses œuvres. Et si plusieurs d’entre elles apparaissent ici, parfois dissimulées, dans la partition de Ramon Lazkano, c’est avant tout la tragédie intime de la dépossession qui nous occupe : quand l’instrument du génie se dérègle, se casse, ne reste qu’un corps devenu machine défectueuse, que l’on regarde sombrer, sans pouvoir agir.
Esquisse de travail pour la mise en scène de La Main gauche
Jeux de rôles
Le prologue annonce la couleur : le scénario finira par s’emparer de vous. J’ai imaginé une troupe d’artistes itinérante, débarquant dans la grande Salle de concert comme on monte un campement de fortune, portée par l’urgence de raconter. Avec les moyens de la scène, les chanteurs et chanteuses convoquent les dernières années de la vie de Ravel, entre incarnation et narration.
La Femme et l’Homme incarnent tour à tour sept rôles : proches réels de Ravel, figures imaginaires, ou encore comédienne et comédien commentant l’action. On oscille sans cesse entre l’identification et la distanciation. Les changements de costumes s’opèrent à vue avec l’aide d’une habilleuse, sans illusion, dans une valse frénétique qui nous entraîne vers l’inéluctable tragédie.
Photo © Lisa Lesourd
Share