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Féminin pluriel

Éclairage By Ensemble intercontemporain, le 16/05/2025

D‘un alexandrin du Cid aux vers d’Apollinaire, en passant par la danse et le concept philosophique « d’être ensemble », le programme du concert chambriste du 20 mai à la Cité de la musique sera l’occasion de découvrir les univers de création hauts en couleur de sept compositrices. 

 

  • Édith CANAT DE CHIZY : Wild  pour alto et violoncelle

J’avais envie depuis longtemps d’écrire une pièce qui s’intitulerait « Wild », « sauvage » en français, le terme étant le même en anglais qu’en allemand. Alfred Herzog, à l’époque directeur du CNR de Boulogne-Billancourt, m’en a donné l’occasion en me commandant cette pièce pour l’examen du Diplôme d’Études Musicales. Conformément au titre, l’écriture de ce duo est âpre et violente, les deux instruments étant souvent étroitement associés dans un même mode de jeu. Plages immobiles et déflagrations s’alternent, le mouvement étant l’élément essentiel de cette pièce pour cordes.

Édith Canat de Chizy

🎵 Écouter l’œuvre 

 

Compositrice majeure du paysage contemporain, Édith Canat de Chizy est élue à l’Académie des beaux-arts, qu’elle préside en 2017. Son œuvre, riche de plus de 120 pièces, mêle musique symphonique, vocale et de chambre. Formée au violon, à l’histoire de l’art et à la philosophie, elle étudie la composition au CNSMD de Paris et explore l’électroacoustique à l’Ircam.

Fun Fact : elle est la première femme compositrice membre de l’Institut de France.


  • Claire-Mélanie SINNHUBER : Danses douces  pour violon et violoncelle

Quatre danses, comme dans une suite baroque, unies par la douceur et l’obsession du double. Tel un éventail qui peu à peu s’ouvre sur un visage – celui du violon et du violoncelle –, l’écriture se déploie dans l’espace physique des instruments, chaque danse gagnant une corde de plus à son jeu. Il y a quelque chose d’assurément enfantin dans cette démarche : une quête d’exploration, une obsession de la figure circulaire jusqu’au ressassement et enfin le plaisir de compter les billes que l’on a : 1, 2, 3, 4.

Claire-Mélanie Sinnhuber

🎵 Écouter l’œuvre 

 

Compositrice et flûtiste franco-suisse, Claire-Mélanie Sinnhuber se forme au CNSMD de Paris et à l’Ircam. Résidente à la Villa Kujoyama au Japon puis à la Villa Médicis, elle développe une œuvre singulière, récompensée par de nombreux prix, dont le prix Nadia et Lili Boulanger et le Grand Prix Sacem en 2021.

Fun Fact : elle a composé la musique d’un opéra-film muet, Mitsou, histoire d’un chat, de Jean-Charles Fitoussi.


  • Sofia AVRAMIDOU : Scène VI  pour flûte

« Le comte est donc si vain et si peu raisonnable ! Ose-t-il croire encor son crime pardonnable ? » (Pierre Corneille, Le Cid).

Cette phrase du roi Don Fernand, qui ouvre la scène 6 de l’acte II du Cid, tisse la trame de cette œuvre pour flûte solo. Reprenant le principe du vers en alexandrin, l’interprète développe divers modèles répétitifs et récursifs qui interrompent inopinément sa forme constante. Ces modèles, caractérisés par une rythmicité idiomatique, renforcent une structure mécanique qui se rétrécit progressivement. Toute la pièce serpente autour de cette idée maîtresse, et le geste instrumental est progressivement lié à la parole humaine.

Sofia Avramidou

🎵 Écouter l’œuvre :

 

Sofia Avramidou est une compositrice et chanteuse grecque, qui mène en parallèle des recherches sur la musique byzantine. En 2018, elle arrange et enregistre un répertoire de chansons traditionnelles dans l’album Binôme. Elle collabore également avec la réalisatrice Evangelía Kranióti pour le film Obscuro Barroco, récompensé par un Teddy Award au Festival international du film de Berlin. Ses œuvres sont régulièrement interprétées par de prestigieux ensembles et orchestres à travers le monde.

Fun Fact : elle pratique le oud, un instrument à cordes pincées très répandu en Grève, en Arménie et en Turquie.


  • Nina ŠENK : Into the Shades  pour violon (création mondiale)

Cette pièce pour violon solo s’inspire de mon troisième concerto pour violon, Into the Shades, composé en 2011. Le concerto original explorait un jeu d’ombres entre le soliste et l’orchestre, centré sur la présence d’un individu dans un environnement sonore plus large. Dans cette adaptation pour soliste, l’accent est mis sur les textures d’une certaine phrase musicale. La pièce s’appuie sur les transformations contrastées de courts motifs, créant un dialogue de changements soudains et vifs, sur une toile de fond calme, immobile. L’atmosphère sereine et contemplative est parfois percée par des éclats de couleur et d’intensité, à la fois discrets et saisissants. Des notes longues et soutenues donnent naissance à des figures plus courtes et énergiques, et inversement, poursuivant l’idée d’un jeu d’ombres sous une forme plus intime et introspective.

Nina Šenk

🎵 Écouter la version pour violon et orchestre :

 

Nina Šenk est une compositrice slovène, formée à Ljubljana, Dresde et Munich. Marquée par l’esthétique du jazz, elle en retient l’improvisation, l’efficacité rythmique et une liberté formelle en apparence, toujours subtilement structurée. Lauréate de plusieurs distinctions, elle reçoit notamment le prix Johann Joseph Fux en 2021 pour son opéra Canvas, ainsi que l’Erste Bank Composition Award en 2024. Membre de l’Académie slovène des sciences et des arts, elle siège également, depuis 2020, au Conseil d’organisation du festival New Music Forum de Ljubljana.

Fun Fact : à 33 ans, elle devient la directrice artistique de l’Atelier de concert de la Société slovène des compositeurs.


  • Manuela GUERRA : Mitsein – Preludio  pour alto (création mondiale)

« Mitsein » est un mot allemand signifiant « être avec » ; un concept du philosophe allemand Martin Heidegger. Il s’agit ici de considérer et d’explorer quelque chose qui existe déjà, mais dont la présence ne peut se manifester seule : elle ne devient tangible qu’en présence de « l’autre ». Ce « dialogue soliste », prélude à une œuvre plus vaste pour alto seul et électronique, se développe à travers une dramaturgie qui se traduit par une ligne mélodique dont la présence n’est déterminée que par celle de l’autre.

Manuela Guerra

🎵 Découvrir la compositrice

 

Après des études en Italie et en Finlande, Manuela Guerra obtient en 2022 un master de composition à la Haute École de musique de Genève. Son travail s’inspire de textes philosophiques, poétiques et littéraires, et s’ancre dans une pratique approfondie du théâtre musical. Elle y explore notamment les liens subtils entre texte et voix, au cœur de sa démarche artistique. En 2024, elle est sélectionnée pour participer à un projet d’opéra collaboratif autour de Madame Butterfly, porté par la Fondation Royaumont.

Fun Fact : elle fait montre d’un intérêt particulier et d’une grande sensibilité pour la photographie.


  • Giulia LORUSSO : Organique  pour trio à cordes amplifié

Au sein d’Organique, le trio à cordes agit comme un liant entre les différents mondes sonores produits par les instruments eux-mêmes et autres objets, dont des diapasons et un dispositif radio – emblème vintage de la civilisation de l’information – allumé et manipulé par un musicien. Dans la lignée de l’enseignement de John Cage, j’entends la voix de la radio dans le discours musical comme un moyen d’ouvrir l’espace du trio vers l’extérieur. Le monde extérieur fait irruption sur la scène d’une manière complètement imprévisible, aussi imprévisible que ce qui sortira de l’appareil, fruit du hasard selon le jour et l’heure où on l’allume. 

Giulia Lorusso

🎵 Découvrir la compositrice

 

Compositrice italienne installée à Paris, Giulia Lorusso a poursuivi sa formation au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP) ainsi qu’à l’Ircam. Son œuvre, à la croisée de l’instrumental et de l’électroacoustique, interroge les relations entre l’interprète, le public et les dispositifs technologiques, tout en explorant les dimensions spatiales du son. Professeure invitée de l’Académie MIXTE de l’ensemble Proxima Centauri à Bordeaux, elle enseigne également la composition en conservatoire en Italie.

Fun Fact : son installation interactive Fabrica a été présentée au Centre Pompidou dans l’exposition “Réseaux Monde” en 2021.


  • Lisa HEUTE : Je demeure  pour flûte, violon, alto et violoncelle

« Sous le pont Mirabeau coule la Seine ».

Les premiers mots du poème de Guillaume Apollinaire sont gravés dans l’imaginaire collectif. Je demeure est une réminiscence de ce texte : des bribes du poème surgissent d’une rêverie musicale incantatoire, faisant émerger des bouts de phrases qui expriment un état émotionnel intense et mouvant. Une dimension dramatique, lyrique guide les gestes instrumentaux comme dans un monologue intérieur. Souffle et grains se mêlent et provoquent des élans communs, qui parfois s’unissent pour exprimer la dimension inexorable du texte. C’est un chant intérieur désespéré qui, parfois, se fige dans une attente glacée et une tristesse infinie.

Lisa Heute

🎵 Écouter l’œuvre 

 

Compositrice et orchestratrice reconnue, Lisa Heute est lauréate du concours international de composition de l’orchestre d’harmonie La Sirène de Paris. Elle s’est également illustrée par son arrangement de la Suite bergamasque de Debussy pour l’Orchestre de chambre de la Drôme. En 2025, elle collabore avec les chanteurs de Génération Opéra, dans le cadre d’un partenariat avec le festival Présences Compositrices.

Fun Fact : par ailleurs, elle pratique avec passion l’accordéon.

 

Photos (de haut en bas) : © Christophe-Daguet / © Luc Hossepied/ © Sandrine Expilly / © Ciril Jazbec / © Manuela Guerra / © Quentin Chevrier / © Karl Pouillot