“Polyphonie X” de Pierre Boulez.
ÉclairageLes nombreux concerts et autres événements célébrant le centenaire de la naissance de Pierre Boulez en 2025 sont l’occasion de découvrir des œuvres de jeunesse rarissimes du compositeur, comme Polyphonie X au programme de l’atelier-concert du 26 mars à la Philharmonie de Paris.
Accueillie par un scandale devenu célèbre, la création le 6 octobre 1951 de Polyphonie X au festival de Donaueschingen – le « X » du titre signale une conception générale multipliant croisements et permutations – marque un tournant au sein des méthodes de composition de Pierre Boulez, alors âgé de 26 ans. Pour la première fois, il tente de généraliser son approche sérielle jusqu’à y inclure les transformations rythmiques et l’évolution des groupements instrumentaux, sans oublier les tempos.
La genèse de l’œuvre est fascinante : pensée initialement pour 49 instruments et avec des quarts de ton, la version définitive est pour 18 instruments et les quarts de ton ont été éliminés, tandis que l’ensemble est composé à rebours par rapport à la forme projetée. Une page d’esquisse, véritable pierre de rosette, montre les principes imaginés pour convertir le matériau originel dans celui de la partition achevée.

Extrait d’une page de la partition de Polyphonie X
Particulièrement extraordinaire est le traitement de l’effectif instrumental : réparti dans le 1er mouvement en sept groupes de deux, trois ou quatre instruments (bois, cuivres ou cordes), le 2e mouvement rebat les cartes, troublant l’écoute, créant de nouvelles associations, incitant à une perception spatialisée, avant que le 3e ne s’aventure dans une dimension concertante. Les mouvements 4 et 5 projetés n’ont jamais été écrits.
Absent lors de la création, peu satisfait de l’enregistrement qu’il en découvre, non seulement Pierre Boulez ne dirigera jamais cette partition, mais il la retirera immédiatement de son catalogue. Pourtant, non dénuée de qualités, elle annonce nombre d’aspects de ses réussites ultérieures et mérite certainement d’être connue. Sans compter ce qu’annonce le titre originel Polyphonies : en effet, le compositeur ambitionne ici de sortir des catégories usuelles de mélodie et d’harmonie, choisissant de partir directement de blocs, de groupes de densités variables, tout en les combinant entre eux, élaborant en résumé un complexe de structures de structures, un véritable défi sonore et perceptif proposée à l’auditeur.
Polyphonie X de Pierre Boulez
Photo : Pierre Boulez devant la partition de Klavierstück XI du compositeur allemand Karlheinz Stockhausen, Paris, 1958 © AKG images
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