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Pierre Boulez : “Messagesquisse”.

Éclairage By Jean-Guihen Queyras, le 13/12/2024

Le 6 janvier, à la Philharmonie de Paris, Jean-Guihen Queyras sera le violoncelliste solo du vertigineux Messagesquisse de Pierre Boulez. L’ex-soliste de l’Ensemble intercontemporain nous livre un souvenir sur l’enregistrement de l’œuvre en 1999…

En vue de l’enregistrement Messagesquisse pour Deutsche Grammophon fin 1999, pour lequel je tenais la partie soliste, nous avons donné quelques concerts et Pierre a exigé de nous des tempos encore plus rapides que ceux qu’il avait notés sur la partition. Notamment dans deux passages particulièrement virtuoses et éprouvants, entre les chiffres 4 et 8, immense cavalcade ininterrompue au cœur de la partition, et à nouveau au chiffre 10 jusqu’à la fin. Au lieu des 132 comme il était indiqué, Pierre nous demandait du 144. C’est extrêmement rapide !
Arrive le jour de l’enregistrement, le lendemain du dernier concert, et voilà Pierre qui se tourne vers moi et me dit : « Pour l’enregistrement, on va y aller un peu plus lentement. » Puis il précise, le plus sérieusement du monde : « À 142. »
Pour n’importe qui, même les meilleurs musiciens, la différence est pratiquement imperceptible. Mais, pour lui, c’était comme si, après nous avoir poussés dans nos retranchements en concert, il me laissait cette toute petite marge, comme s’il faisait baisser la pression d’un rien, pour parvenir à la perfection.
Je me souviens, toujours à propos de Messagesquisse, que, à chaque concert, Pierre réunissait tous les violoncellistes dans les loges juste avant pour jouer ces deux passages, et seulement ces deux-là. Deux fois : une fois lentement, et une fois à toute vitesse. Comme pour faire monter l’adrénaline, juste avant d’entrer en scène.

Propos recueillis par Jérémie Szpirglas

Messagesquisse de Pierre Boulez